Les Français sont de gros mangeurs de viande : un Français en consommerait 85,2 kilos par an contre une moyenne mondiale de 42,9 kilos. Au détriment du climat. Mais aussi de leur santé ? À l’heure du changement climatique, comment réduire sa consommation carnée sans être carencé ? Trois questions au docteur Catherine Lacrosnière, médecin nutritionniste et autrice de « L’alimentation anti-inflammatoire »

La viande est-elle néfaste pour la santé?

Catherine Lacrosnière : après avoir examiné 800 études sur le cancer chez l’homme, le Centre international de recherche sur le cancer a classé, en 2015, une consommation régulière de viandes rouges (bœuf, agneau, porc, veau, mouton, chèvre, etc.) comme étant potentiellement cancérogène pour l’homme, notamment en ce qui concerne le cancer colorectal, du pancréas et de la prostate. Et la consommation de plus de 50 grammes par jour de viandes ultra-transformées (charcuterie, saucisses, bacon et autres lardons) comme cancérogène avéré pour le cancer colorectal : le risque est accru de 18 %.

Un avis renforcé par un nouveau rapport publié le 10 juillet 2023 par l’Organisation mondiale de la santé.

Plusieurs études sérieuses ont d’ores et déjà montré qu’une consommation élevée de viande rouge, et en particulier de viande transformée, est associée à un risque accru de plusieurs maladies chroniques majeures et de mortalité prématurée. Sans parler de la résistance antimicrobienne, de l’augmentation des zoonoses et de l’impact de sa production sur la santé de la planète !

Ainsi, une méta-analyse publiée en 2016 dans le Journal of Internal Medicine indique que la consommation régulière quotidienne de viande rouge non transformée (au-delà de 100 g/jour) augmente de 11 % le risque d’accident vasculaire ischémique et de cancer du sein, de 15 % le risque de mortalité cardiovasculaire, de 17 % le risque de maladies colorectales et de 19 % celui pour le cancer avancé de la prostate.

De même, la consommation de 50 grammes de viande transformée par jour augmente de 8 % les risques de mortalité par cancer, de 9 % pour le cancer du sein, de 18 % pour celui colorectal, de 19 % pour les tumeurs du pancréas, de 13 % pour les accidents vasculaires cérébraux, de 22 % pour la mortalité totale, de 24 % pour la mortalité cardiovasculaire et de 32 % pour le diabète de type 2.

Doit-on se passer de viande ?

Catherine Lacrosnière : ces résultats confirment les recommandations de santé publique actuelles appelant à limiter la consommation de viande, en particulier de viande rouge et de viande transformée. Dans le même temps, la viande rouge apporte plusieurs nutriments importants : des acides aminés essentiels que le corps ne peut pas fabriquer. Mais aussi du fer, plus « biodisponible » et mieux absorbé que le fer d’origine végétale. De la vitamine B12 qui participe à la formation des globules rouges et au bon fonctionnement des systèmes immunitaire et nerveux. Ou encore du zinc qui stimule les défenses immunitaires, améliore la cicatrisation, etc.

Par ailleurs, gare à la cuisson de la viande ! La cuisson à haute température, grillée, poêlée génère des amines hétérocycliques, celle au barbecue, au feu de bois, au charbon de bois produit des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) tel le benzo[a]pyrène (BaP). Autant de molécules cancérigènes. Une alimentation d’autant plus mauvaise si on accompagne la viande rouge de frites et autres patates grasses et salées en délaissant les légumes.

À savoir : la viande rouge est substituable via la viande blanche, le poisson, les œufs, les légumineuses, céréales et oléagineux, hormis peut-être pour le fer. Un minéral pour lequel c’est plus délicat : on trouve des protéines animales dans la viande blanche et le poisson, les produits laitiers et les fruits de mer. Et des protéines végétales dans le soja, le riz associé aux lentilles, les oléagineux. Ou encore de la vitamine B12 dans les œufs, les produits laitiers, les poissons et crustacés. Enfin, la reine du zinc, c’est l’huître !

Les adultes végétariens (adeptes d’une pratique alimentaire qui exclut la consommation de chair d’origine animale, viande et parfois poisson), qui consomment des œufs, du poisson, des produits laitiers et des protéines végétales (légumineuses, graines et oléagineux, céréales, algues, etc.) n’ont a priori pas de risque de carences.

Que préconisez-vous ?

Catherine Lacrosnière : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) recommande de ne pas dépasser 500 grammes par semaine de viandes hors volailles (telles que le bœuf, porc, agneau, etc.) et 25 g de charcuterie par jour.

Bref, une à deux portions de viande rouge par semaine suffisent si on est mangeur de viande. Vigilance toutefois pour les femmes en âge de procréer aux règles abondantes et celles qui viennent d’accoucher, qui risquent l’anémie. Dans ces cas, une supplémentation en fer est possible, voir avec son médecin traitant.

De même, une femme enceinte peut aussi être végétarienne si elle se supplémente en multivitamines et en fer si besoin durant toute sa grossesse, comme cela est recommandé pour toutes les femmes enceintes. En cas de végétalisme, se faire suivre par un médecin nutritionniste ou un diététicien pour éviter les carences.

Quant aux personnes âgées, dont le risque de sarcopénie (fonte musculaire) est élevé en raison de l’âge, la sédentarité, le dégoût de la viande et les problèmes de dentition, attention à la dénutrition : il existe des compléments nutritionnels hyperprotéinés de goûts et textures variés.

*D’après le dernier bilan de l’Agreste, en charge du suivi des données statistiques au ministère de l’Agriculture.

**Selon l’organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Propos recueillis
par Florence Heimburger

Avec le soutien du Ministère de la Culture

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