Que ce soit pour avoir un regard extérieur sur le fonctionnement interne d’une entreprise ou d’une institution, ou pour mieux comprendre les fragmentations qui caractérisent nos sociétés, l’anthropologie peut se révéler d’une aide précieuse pour les services de ressources humaines et les politiques

Le terme « anthropologie » évoque peut-être pour vous l’étude des peuples qui évoluent loin des sociétés occidentales, à l’image des travaux menés par le célèbre anthropologue Claude Lévi-Strauss. Ce dernier a notamment effectué plusieurs missions ethnographiques dans le Mato Grosso et en Amazonie dans les années 1930, afin de rencontrer les peuples autochtones qui y vivaient.     

Étudier nos sociétés contemporaines

Mais l’anthropologie, que Lévi-Strauss définissait comme étant « la connaissance globale de l’homme, dans toute son extension historique et géographique », peut également servir à comprendre nos propres structures sociales : « toutes les techniques que l’on a imaginé pour étudier des sociétés lointaines peuvent être aussi utilisées pour analyser nos propres sociétés », indique Riccardo Ciavolella chercheur au CNRS et directeur du laboratoire d’anthropologie politique de l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris.

Grâce à l’anthropologie il est notamment possible d’étudier les dynamiques qui s’opèrent au sein du monde du travail. « Bien que cette discipline n’ait certainement pas pour vocation première d’aider les services de ressources humaines, ces derniers font de plus en plus souvent appel à des anthropologues pour analyser les relations de pouvoir qui s’opèrent au sein des entreprises, des associations et des institutions. En réalité elles pourraient être considérées comme des micro-sociétés, où l’on retrouve certaines logiques classiquement étudiées par l’anthropologie, tel que le fait de comprendre comment un chef devient chef, ou bien comment on affirme une autorité ou une légitimité au sein d’un groupe de travail par exemple », détaille Riccardo Ciavolella.

« De plus, il y a dans tous les groupes et dans toutes les collectivités un décalage entre les règles formelles et ce qu’il s’y passe concrètement. L’anthropologue ne se contente pas d’avoir une vision légaliste, et il va chercher à expliquer les raisons de ce décalage », ajoute le chercheur.   

Une aide en temps de crise

En étudiant notamment les fragmentations qui caractérisent nos sociétés, l’anthropologie peut également aider les responsables politiques à développer un sens critique, et à décentrer le regard sur un problème en particulier afin d’adopter une vision différente. « Du point de vue de la politique institutionnelle, le mouvement des gilets jaunes était un phénomène que l’on ne pouvait pas prévoir. Néanmoins, en étudiant la société et ses transformations, en allant voir ce qu’il se passe dans les campagnes et les périphéries et en comprenant ce que les personnes qui y vivent ressentent par rapport à la politique institutionnelle et aux inégalités sociales, il était possible de comprendre ce qui était en train de se passer », précise Riccardo Ciavolella.

Plus récemment, en 2020, lors de la crise générée par la pandémie de Covid-19, l’anthropologue Laëtitia Atlani-Duault a été choisie par le gouvernement pour faire partie des 12 scientifiques composant le conseil scientifique Covid-19, rappelle Riccardo Ciavolella : « les politiques se sont rendu compte lors de cette pandémie que le fait d’apporter une réponse purement médicale n’était pas suffisant. Il fallait aussi comprendre comment cette maladie était perçue par les citoyens, et pourquoi nous croyons bien plus à certaines choses qu’à d’autres. Ainsi, dans un moment de crise, le savoir anthropologique peut devenir un élément fondamental ».   

Thomas Allard

Avec le soutien du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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