1 QUESTION A. L’utilisation du glyphosate vient d’être prolongée de 10 ans dans l’Union Européenne. Pourtant l’emploi de cet herbicide a des effets néfastes sur les vers de terre, indispensables à la vie et à la fertilité du sol. Explications de Céline Pelosi, directrice de recherche à INRAE Avignon et écotoxicologue

Céline Pelosi : « Les vers de terre sont au sol, ce que l’abeille est à la pollinisation. Ils contribuent de façon majeure à l’équilibre de nos sols, à leur fertilité et à leur durabilité. Ils participent à la formation des sols en mélangeant les matières organiques dont ils se nourrissent aux matières minérales. Ils sont aussi impliqués dans l’aération du sol, et le drainage de l’eau. Les vers de terre entretiennent aussi des interactions positives avec les autres organismes du sol. Ils sont enfin très utiles à la mégafaune car d’autres animaux, comme les oiseaux, s’en nourrissent. La diminution de leur abondance peut donc avoir des effets en cascade. 

Une exposition chronique à une substance toxique

Or, de nombreuses études menées depuis 1982 mettent en évidence les effets délétères de l’exposition des vers de terre au glyphosate, ou aux herbicides contenant du glyphosate. Ces précieux travailleurs des sols se contaminent en ingérant de la terre, et par contact direct avec cette molécule toxique. Car elle est très largement présente dans nos sols, y compris dans des zones non traitées, comme nous l’avons montré dans une étude publiée en 2022 ! 88% des échantillons de sols prélevés contenaient du glyphosate. Le transfert s’effectue des zones traitées aux zones non traitées par ruissellement d’eau et transfert atmosphérique.  

Croissance et reproduction altérées

Présent dans le sol, pendant un temps finalement plus long que ce que les industriels ont publié, le glyphosate s’accumule aussi dans les tissus des vers de terre. Une telle exposition est loin d’être anodine. Lorsqu’un organisme vivant est confronté à une substance toxique, une partie de l’énergie destinée au maintien des fonctions vitales est détournée pour se débarrasser de ce poison ou éviter qu’il ne cause des dommages irréversibles. Cela peut entraîner des effets négatifs sur leur croissance et leur capacité de reproduction, même après une seule application de glyphosate à la dose recommandée. Et tout cela conduit aussi à une diminution progressive de ces alliés inestimables pour la fertilité des sols. 

Le glyphosate n’est pas une solution durable

Continuer à utiliser du glyphosate ou des herbicides contenant du glyphosate n’est pas une solution durable. N’attendons pas encore 10 ans pour en sortir. Il est urgent de promouvoir de nouvelles pratiques plus respectueuses des sols, comme les couverts végétaux ou le travail superficiel et d’aider les agriculteurs à sortir de l’agrochimie. Techniquement et financièrement : notamment pour veiller à la préservation de la biodiversité… et des vers de terre garants de la fertilité des sols. Ces discrets travailleurs souterrains sont des alliés plus précieux que le glyphosate pour l’agriculture de demain. Une agriculture durable, respectueuse de la santé de notre planète et de ses habitants. »

Propos recueillis par Alexandrine Civard-Racinais

A savoir : 

  • Le glyphosate (G) est l’herbicide le plus utilisé dans le monde. 
  • A l’échelle mondiale, plus de 800 000 tonnes sont épandues chaque année et plus de 750 formulations commerciales contenant cette molécule sont autorisées. 
  • Depuis une dizaine d’années, médecins et scientifiques alertent sur ses impacts environnementaux et sanitaires.  

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