3 QUESTIONS A. Un appareil à force atomique a permis à des chercheurs CNRS de mesurer les fluctuations thermiques des mini-bulles. Cette recherche financée par l’Agence nationale de la recherche a apporté ainsi une réponse à une controverse scientifique vieille de 50 ans. Explications avec Aloïs Würger, co-auteur de l’étude

Quel est l’intérêt d’étudier des mini-bulles ?

Aloïs Würger : Comme on peut l’observer dans un verre, une surface en contact avec de l’eau est couverte de bulles. Ce sont des micro-bulles et des nano-bulles. S’il y a du gaz dissout dans l’eau, ces bulles vont alors se développer et se détacher de la surface. C’est ce phénomène que l’on voit avec le champagne ou n’importe quel pétillant.

Or, les interfaces fluides sont d’un grand intérêt pour des applications, elles déterminent les propriétés des mousses et jouent un rôle important en microfluidique, pour le fonctionnement de puces chimiques, par exemple dans le biomédical (pour espérer une simplification des examens sanguins)

Dans une collaboration entre théoricien et expérimentateurs, nous étudions depuis plusieurs années les demi-bulles, comme on peut les apercevoir quand elles touchent une surface. Ce qui nous intéresse est notamment la ligne de contact, c’est-à-dire le cercle où l’interface air-eau de la bulle touche le support solide. Il y a ici des fluctuations thermiques.

Pourquoi mesurer leurs fluctuations thermiques ?

Aloïs Würger : Tout d’abord, il faut savoir que c’est un exploit technologique réalisé par notre équipe expérimentale (1). En effet, ces bulles mesurent une fraction de millimètre et l’amplitude de leurs fluctuations de surface est d’une fraction d’un nanomètre. C’est-à-dire d’un millionième d’un millimètre.

Pour cette mesure, on utilise donc un appareil à force atomique (AFM) en mode dynamique, qu’on peut considérer comme une sorte de nano-diapason. Il y a peu d’endroits dans le monde où l’on fait ces expériences avec une telle précision et une telle résolution que dans le laboratoire de mes collègues bordelais.

On observe une propagation de la vibration de la mini-bulle. C’est un peu comme les sons d’une corde de guitare, que tout le monde entend quand on joue de l’instrument, mais qui ne sont pas complètement silencieuses quand l’instrument est au repos. On pourrait dire que dans cette étude, nous avons « entendu » les sons de la bulle sans la toucher.

Que nous apprennent ces vibrations de la bulle d’air ?

Aloïs Würger : Restons sur l’exemple de la guitare. Comme la corde de guitare, l’interface d’une bulle d’air ne peut vibrer qu’avec certaines fréquences. Pour une bulle sphérique, ces fréquences ont été calculées en 1879 par Lord Rayleigh. Il a trouvé que la gamme de la bulle n’est pas harmonique. Bref, en tant qu’instrument, une bulle serait mal accordée et sonnerait faux.

Pour nos demi-bulles, on s’est surtout intéressé aux effets de la ligne de contact. Notre étude a permis d’obtenir deux résultats principaux (2).

Le premier résultat est que la ligne de contact est piégée par des rugosités de la surface : elle ne glisse quasiment pas sur la surface.

Le deuxième résultat a pu déterminer le coefficient d’amortissement. En général, les fréquences plus hautes sont amorties plus fortement. Par exemple, le tonnerre d’un orage lointain vous paraîtra plus grave que si vous êtes sous l’orage. Dans le premier cas, les hautes fréquences ont été amorties par l’air et ne parviennent quasiment plus à vous, donc vous n’entendez que les basses fréquences.

C’est un résultat très important. Pour les vibrations d’une bulle, l’amortissement par la viscosité de l’eau est bien connu. En effet, en 1967 le chercheur américain John W. Miles proposait une contribution propre à l’interface, nommée « viscosité de surface », dont l’existence était controversée depuis des décennies. Nos résultats permettent de conclure sur la présence de cette viscosité de surface et de déterminer son amplitude.

Propos recueillis
par Alexandre Marsat

(1) Appareil de forces de surface (SFA), Elisabeth Charlaix, LiPhy Grenoble ;
Microscopie à forces atomiques (AFM), Abdelhamid Maali, LOMA Bordeaux ;
Théorie et modélisation, Alois Würger, Laboratoire ondes et matière d’Aquitaine (LOMA, CNRS / université de Bordeaux).

(2) L’étude présentée par Aloïs Würger a fait l’objet d’une publication dans la revue scientifique Physical review letters.

Avec le soutien du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’Agence nationale de la recherche (ANR) »

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