Selon une étude française, les risques liés au partage de matériel d’injection de drogues diminuent de 90 % dans les salles de consommation. Ces travaux confirment l’intérêt de ces structures dans la lutte contre les transmissions infectieuses et invitent à renforcer le dispositif existant. Explications de Marie Jauffret-Roustide, sociologue, qui y a contribué

En 2019, en France, 110 000 personnes pratiquaient l’injection de drogues par intraveineuse, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. Une pratique qui comporte de nombreux risques : overdoses, maladies infectieuses (VIH, hépatite C, etc.) via le partage du matériel d’injection ou l’usage de drogues dans l’espace public.

Pour les limiter, des salles de consommation de drogues à moindre risque (SCMR) ont vu le jour en Europe depuis une trentaine d’années*. Il a fallu attendre 2016 pour que la France en crée deux, à titre expérimental pour 6 ans, l’une à Paris, l’autre à Strasbourg. Désormais baptisées « haltes soins addictions » (HSA), ces structures permettent aux usagers de drogues injectables de les consommer dans des conditions plus sûres (accès à des seringues stériles, etc.), encadrés par du personnel qualifié. Elles visent notamment à réduire le risque d’infection au VIH et à l’hépatite C.

Moins d’overdoses et de maladies infectieuses

En 2021, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) a confié à l’Inserm l’évaluation de l’efficacité de ces deux premières HSA. L’évaluation conclut à des effets positifs en termes de santé publique : « L’accès aux salles limite les overdoses, la transmission de maladies infectieuses, le passage aux urgences, la survenue d’abcès au niveau du point d’injection et l’injection de drogues dans les lieux publics », résume Marie Jauffret-Roustide, sociologue au Centre d’étude des mouvements sociaux à Paris, qui y a contribué.

Les résultats étant probants, les deux salles de Paris et Strasbourg sont maintenues.

90 % de risque de partage de matériel en moins

Marie Jauffret-Roustide et d’autres chercheurs de différents centres de recherches** viennent notamment de montrer que ces HSA réduisent de 90 % le risque de partage de matériel entre usagers par rapport à d’autres types de structures de réduction des risques.

Ces travaux parus dans la revue scientifique Addiction ont porté sur 665 adultes s’injectant des drogues ou des traitements substitutifs (méthadone, buprenorphine, etc.). Ces personnes ont été réparties en deux groupes : l’un comportant les individus suivis dans les salles de Paris et Strasbourg, l’autre ceux de Marseille et Bordeaux.

D’autres villes volontaires pour des haltes « soins addictions »

« Nous les avons suivis pendant un an et soumis à des questionnaires validés internationalement 3, 6 et 12 mois après le début de l’étude, explique la sociologue. Dans le groupe de Marseille et Bordeaux, 11 % des usagers ont déclaré avoir partagé leur matériel d’injection dans le dernier mois de l’étude contre 1 % dans le groupe Paris-Strasbourg. Cette étude confirme l’intérêt des HAS dans la lutte contre les transmissions infectieuses. Nous, les scientifiques, invitons à renforcer les dispositifs existants », souligne la chercheuse.

Une nouvelle étude de cohorte, cette fois sur deux ans, va débuter cette année à Paris, Strasbourg et Lyon pour confirmer ces résultats.

*La première salle de consommation à moindre risque a été créée à Berne (Suisse) en 1986. Aujourd’hui, l’Europe en compte une centaine.

**Le département de psychiatrie et d’addictologie (Inserm) de l’Hôpital universitaire de Strasbourg, l’UMR Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médicale (Inserm, IRD, Aix-Marseille Université), le Centre d’étude des mouvements sociaux (Inserm, CNRS, EHESS) à Paris et l’Addiction team, SANSPY (CNRS) à Bordeaux.

Florence Heimburger

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