Selon l’Organisation mondiale de la santé, les aliments et les boissons « sans sucres » dopés aux édulcorants ne permettraient pas de lutter contre le surpoids. Ces substituts sont pourtant bien moins caloriques que les sucres « naturels ». Alors comment expliquer ce phénomène à priori contre-intuitif ?
Ils ont peu à peu envahi les rayons des supermarchés. Les aliments et boissons garantis « sans sucres » font désormais partie de notre quotidien. Et pour réussir à donner ce délicieux goût sucré sans y mettre une seule goutte de sucre naturel, les industriels de l’agro-alimentaire s’appuient sur un véritable arsenal d’édulcorants parmi lesquels on retrouve l’aspartame, l’advantame, l’acésulfame K, la saccharine, le sucralose, ou encore la stévia et ses dérivés.
L’OMS déconseille leur utilisation
Mais ces substituts artificiels, qui apportent beaucoup moins de calories que le sucre, permettent-ils réellement de perdre du poids ? Absolument pas, déclare l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans un rapport publié le 15 mai 2023. Plusieurs membres de cette institution onusienne ont analysé en détail 283 études menées sur les édulcorants, et concluent que ces derniers « ne contribuent pas à contrôler la masse corporelle ni à réduire le risque de maladies liées au poids ». L’OMS déconseille même l’utilisation de ces substituts dans l’alimentation.
« Les gens doivent envisager d’autres moyens de réduire leur consommation de sucres libres, par exemple en consommant des aliments contenant des sucres naturels, comme les fruits, ou des aliments et des boissons non sucrés », précise dans un communiqué Francesco Branca, directeur du département Nutrition et sécurité sanitaire des aliments à l’OMS.
Les « faux sucres » pourraient déréguler notre métabolisme
Mais pourquoi ces édulcorants ne tiennent-ils pas leurs promesses, alors qu’ils sont bien moins caloriques que les sucres naturels ? De nombreuses équipes de recherche tentent de répondre à cette question, et plusieurs pistes sont étudiées.
La première hypothèse est celle d’une dérégulation de notre métabolisme qui serait causée par la consommation régulière d’édulcorants. Car le goût sucré doit normalement permettre de réguler notre homéostasie énergétique, c’est-à-dire l’équilibre entre l’apport alimentaire et les dépenses énergétiques, en signalant l’arrivée imminente de nutriments dans l’intestin et en facilitant l’absorption et l’utilisation de l’énergie contenue dans les aliments. Mais voilà, certaines études montrent que les réponses physiologiques qui se produisent généralement après la consommation de sucres classiques ne sont pas provoquées par les édulcorants artificiels, ou sont de bien moindre ampleur.
En affaiblissant la validité de ce signal avec l’ingestion de « faux sucres », la consommation d’édulcorants altèrerait ainsi notre système de régulation de l’énergie et du poids corporel.
Cette dérégulation pourrait faciliter l’absorption des sucres présents dans les autres aliments, voire même atténuer nos mécanismes de satiété. De quoi nous pousser à manger davantage, ce qui avouons-le, n’était pas vraiment l’objectif recherché au départ…
Sur la piste du microbiote
Une autre hypothèse étudiée par la communauté scientifique est celle d’une habituation au goût sucré induite par la consommation trop fréquente d’édulcorants. Cela entretiendrait notre attrait pour le goût sucré.
Enfin, les chercheurs s’intéressent à une troisième piste : celle du microbiote intestinal. Les édulcorants pourraient en effet l’altérer. Or, les scientifiques suspectent que la qualité du microbiote puisse jouer un rôle dans la prise de poids car ils ont constaté que les personnes en situation d’obésité présentent un microbiote moins riche, avec des souches bactériennes moins variées, que les personnes non obèses.
Alors quelle hypothèse est la bonne ? Certains chercheurs n’excluent pas qu’il s’agisse d’une combinaison de deux de ces facteurs, et peut-être même des trois.
Mais faut-il pour autant délaisser définitivement les édulcorants ? L’OMS rappelle que l’utilisation de ces substituts présente un intérêt pour les patients souffrant d’un diabète préexistant. Mais pour les autres personnes, l’organisation onusienne déconseille d’utiliser les édulcorants pour remplacer le sucre, et de réduire la prévalence du goût sucré dans notre alimentation en remplaçant par exemple les sodas par de l’eau plate.
Thomas Allard
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