De la découverte d’un semblant de communication à l’affirmation par certains que les plantes ont une intelligence… en 40 ans, notre conception du monde végétal a été bouleversée. Le point sur des êtres vivants qu’on a encore du mal à prendre pour tels

En 1983, ça a fait un certain bruit dans le monde scientifique : une étude de l’université de Washington, démontrait que des arbres attaqués par des insectes produisaient un changement chimique rendant leurs feuilles indigestes pour ces insectes. Et plus étonnant encore : des arbres éloignés d’une trentaine de mètres et sans contact racinaire avec les arbres attaqués opéraient le même changement.

Toujours dans les années 80, on constatait même que certaines antilopes s’empoisonnaient avec des feuilles habituellement comestibles pour elles et que tous les acacias de la zone avaient introduit le même composé chimique dans leurs feuilles pour se protéger.

Communication en l’air et sous terre

On a alors mis en évidence que les arbres produisaient des molécules particulières (l’éthylène ou l’acide salicylique) très volatiles dans l’air et qui pouvaient être potentiellement vecteurs de communication. Depuis, on a progressé dans l’étude de ces échanges et l’on s’est rendu compte aussi qu’ils pouvaient communiquer « par champignon ».

Certains de ces champignons développent un fin réseau souterrain, invisible à l’œil nu, long de plusieurs kilomètres parfois, permettant de relier les racines des arbres entre elles. Et il s’opère alors un échange : comme les champignons ne pratiquent pas la photosynthèse, les arbres les nourrissent. Et « en échange », les champignons servent de transmetteurs de messages. On ignore encore comment…

Le cri des plantes

Et les études récentes commencent à souligner que les plantes possèdent des « sens » parfois proches des nôtres. La principale réaction chimique de défense passe notamment par la production de calcium… L’ion calcium étant à la base de la réaction nerveuse chez l’animal. Mais aussi, une étude récente montre que, soumises à un stress hydrique ou à la coupe d’une de leurs branches ou feuilles, certaines plantes émettent un son (certains vont même parler de « cri ») inaudible pour l’oreille humaine. Mais potentiellement audibles pour certains animaux. Et par les autres plantes ?

Parce que oui, elles sont également sensibles aux bruits. Lorsqu’on diffuse près d’elles le bruit de l’eau, elles étendent davantage leurs racines vers ce son que dans les autres directions. Plus étonnant encore : l’université du Missouri a constaté qu’en diffusant le son de chenilles en train de bâfrer des feuilles d’arbres de même espèce, d’autres arbres non soumis à une attaque de chenilles développaient une réaction chimique de défense dans leurs feuilles.

Sens de l’équilibre et du toucher

Et comme nous aussi, les plantes ont le sens de la proprioception. Un mot compliqué pour dire qu’elles sont capable de se situer dans l’espace. Le laboratoire PIAF de l’INRAE a fait tourner des plantes en bourrique, les penchant dans tous les sens sans aucun point de repère lumineux pour qu’elles se guident et elles ont pourtant continué à pousser de manière rectiligne. Autre découverte du PIAF : les arbres ont le sens du toucher. Ils peuvent sentir l’intensité et la direction du vent pour adapter leur croissance à un meilleur aérodynamisme tout en développant leurs racines pour mieux s’ancrer.

Une suite d’expériences récentes qui laissent la communauté scientifique dubitative : et si les végétaux aussi avaient une conscience ? Le biologiste Stefano Mancuso a franchi le pas en créant la « neurobiologie végétale ». Une discipline encore décriée par ceux qui pensent qu’il est encore trop tôt pour être aussi définitif. Peut-être, mais une graine est plantée…

Jean Luc Eluard

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