Attention fake news. Aucune donnée publique ne permet actuellement d’affirmer que l’espérance de vie en bonne santé est plus élevée à la ville qu’à la campagne. En revanche, de fortes disparités territoriales existent, dont les causes nécessitent encore d’être explorées

Aujourd’hui, une Française de 65 ans a encore devant elle une espérance de vie sans incapacité (EVSI) de 11,8 années. Un homme du même âge peut escompter 10,2 ans d’EVSI. Si les femmes profitent d’un petit bonus, « l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans progresse en tendance depuis 2008, pour les femmes (+ 1 an et 9 mois) comme pour les hommes (+ 1 an et 6 mois) », commentait le chercheur Thomas Deroyon, à l’occasion de l’actualisation de cet indicateur publiée chaque année par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), agissant pour le compte de l’État. (1)

L’EVSI, un indicateur de santé publique

Cet indicateur de santé publique, mis en place depuis le milieu des années 2000, « présente l’avantage d’avoir injecté la qualité de la vie dans le calcul de la quantité de vie qu’est l’espérance de vie », souligne Jean-Marie Robine, démographe à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et spécialiste du vieillissement de la société. Quelle soit mesurée par la DREES, en France, ou par EUROSTAT en Europe, l’espérance de vie sans incapacité se calcule à partir des données exhaustives de mortalité d’un pays, par sexe et par âge. Le lieu de vie n’est pas pris en compte.

L’impossible match ville campagne ?

Impossible dans ces conditions d’affirmer que l’espérance de vie en bonne santé est meilleure en ville qu’a la campagne… « à moins d’être chinois », relève malicieusement Jean-Marie Robine. « Seule la Chine dispose de données sur l’espérance de vie des urbains d’un côté et des ruraux de l’autre. Cela s’explique par le fait qu’il y a encore deux chines : une Chine des villes et une Chine des campagnes, dans laquelle les habitant sont moins éduqués, et éprouvent des difficultés d’accès aux soins ou à une nourriture de qualité. En France, nous ne disposons pas de ce type de données, idem en Europe ou aux USA ». Il existe en revanche des données permettant la comparaison à l’échelle départementale.

De fortes disparités territoriales observées

C’est sur ce type de données, issues de l’enquête Vie Quotidienne et Santé (VQS) menée en 2014 par la DREES que trois chercheuses (2) se sont récemment penchées. Les premiers résultats, publiés dans la revue Quetelet mettent en évidence de forts écarts départementaux. « Sans surprise, (…) les départements qui cumulent longévité et absence d’incapacité correspondent souvent à des territoires économiquement aisés avec des profils de population plutôt actifs et socialement avantagés ». Il s’agit de la majorité des départements en Ile-de-France, de ceux de la région Rhône-Alpes, comme la Savoie, ainsi que de l’ouest du pays. « Ces résultats exploratoires encouragent à poursuivre les analyses afin d’éclairer les causes et les conséquences de ces disparités départementales » plaident les autrices. Et d’y pallier, afin que chacun puisse vieillir en bonne santé à la ville et à la campagne.

Alexandrine Civard-Racinais

(1) Dernière actualisation publiée fin 2023, pour l’année 2022

(2) Amélie Carrere (Ined), Maude Crouzet (université de Strasbourg), Caroline Laborde (ORS Ile-de-France)

À savoir :

  • L’Espérance de vie sans incapacité, aussi appelée espérance de vie en bonne santé, est le nombre d’années qu’une personne peut espérer vivre sans souffrir d’incapacité dans la vie quotidienne.
  •  Il peut s’agir de limitations physiques, sensorielles et cognitives, et de gênes dans les activités liées à un problème de santé. 

Avec le soutien du ministère de la culture

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