C’est un cliché récurrent : si on va à l’université, on ne trouvera pas de boulot à la sortie. Comme tous les clichés, il peut y avoir un fond de vérité. Et surtout pas mal d’idées reçues…
« L’université n’assure pas d’avoir un emploi une fois diplômé ». Cette affirmation pourrait paraître logique : il y a de plus en plus de diplômés universitaires (600 000 par an actuellement) et forcément, comme pour le bac il y a 40 ans, l’augmentation du nombre de diplômés doit fatalement faire baisser la valeur des diplômes. Au nom du concept que ce qui est rare est cher. Et inversement.
Le livre « L’inflation scolaire » de la sociologue Marie Duru-Bellat avait fait grand bruit en 2008. Il estimait que « la valeur du titre est inversement proportionnelle au nombre de diplômés » et que passé un seuil de diplômés, un diplôme perdait son utilité sociale et pour celui qui le détient.
85% des décideurs économiques ont une bonne image de l’université
Mais pour Marie-Cécile Naves, secrétaire générale de France-Universités (ex-CPU) « la démocratisation n’a pas dévalorisé les diplômes. Nous avons fait une enquête qui montre que 85% des décideurs économiques ont une bonne image de l’université. Notamment pour les licences pro et les masters 2 où 80% des diplômés trouvent un travail dans les 18 mois. Avec un salaire égal à celui des diplômés d’écoles d’ingénieur ou de commerce. »
Avec toutefois de fortes disparités. Une étude du Cereq sur les diplômés en 2017 soulignait que le Graal du CDI direct était plutôt réservé à quatre catégories universitaires : les licences pro industrielles (53%), les masters en économie – gestion – AES (51%), les masters scientifiques (51%) ou doctorat en santé (50%). Ensuite, 18% des jeunes accèdent au CDI après quelques mois en CDD : 24% des doctorants (hors domaine de la santé), 19% d’un master arts ou lettres et 12% des titulaires d’une licence générale en lettres et sciences humaines et sociales.
A l’opposé, des diplômés restent durablement sur le carreau : 11% des titulaires d’une licence LLSH (langues, lettres et sciences humaines). La filière qui a le plus de mal à placer ses diplômés dans l’emploi. Surtout avec une licence mais « la licence générale n’a pas vocation à s’inscrire dans le marché du travail. Elle sert pour la poursuite des études. »
Pourtant, Marie-Cécile Naves voit une inflexion à cette tendance défavorable aux sciences humaines : « Il y a des préjugés contre les sciences humaines et sociales (SHS) à déconstruire. L’employabilité immédiate est importante pour les entreprises mais il faut voir à long terme. Il y aura des besoins de s’adapter aux changements que permettent l’esprit critique, la recherche d’information… Pour tout cela, les SHS sont de plus en plus prisées dans le monde. La France est une exception dans l’OCDE. » Reste que l’INSEE apporte une nuance à cette vision volontariste en soulignant que « certains masters conduisent au même taux de chômage qu’un bac pro. »
Grandes universités et formations de niche
Mais l’image de l’université coupée du reste du monde est une vieille histoire : « Avec l’autonomie des universités, l’insertion professionnelle est devenue une mission explicite. » Elle offre ainsi des formations en alternance pour deux tiers des cursus. Et surtout, des formations de niche qui savent s’adapter : « A côté de Paris-Saclay qui est une énorme université reconnue mondialement dans ses formations scientifiques, il y a par exemple l’université de La Rochelle qui est bien inscrite localement en répondant à des besoins très techniques dans les métiers de la mer. Ou l’université de Bretagne-Sud et ses formations en intelligence artificielle et cybersécurité. »
Plus qu’un problème de débouchés post-diplôme, il s’agirait donc davantage d’un problème d’image. Et de reconnaissance : « L’immense majorité des élites n’ont pas fait l’université. Ils sortent des mêmes écoles et parfois des mêmes promos. Leur vision ne reflète pas la réalité de l’université. Ils ne la connaissent pas. » Reste un chiffre pour enfoncer le clou : en 2020, 30% des jeunes sortis avec le bac en 2017 étaient au chômage contre 11% de ceux qui avaient eu un diplôme universitaire à la même date.
Jean Luc Eluard
Avec le soutien du ministère de la culture
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