16 laboratoires issus de 11 pays européens vont travailler conjointement afin de tester de nouvelles thérapies contre les maladies rares. Eric Hosy, chercheur CNRS à l’Institut Interdisciplinaire de Neurosciences (IINS) de Bordeaux nous explique les enjeux pour les patients de cette recherche européenne
Pourquoi travailler sur les maladies rares à l’échelle européenne ?
Eric Hosy : Il y a deux raisons majeures pour travailler à une échelle plus large que celle de l’institut de recherche ou même de la France. Premièrement, le nombre de patients auquel on peut avoir accès. Et deuxièmement : la nécessité des expertises multiples pour répondre à des questions biologiques complexes.
Le projet, nommé EURAS, porte sur des maladies rares, c’est-à-dire qu’il y a seulement une dizaine à une centaine de patients en France. Souvent chaque patient présente des formes différentes de la maladie dues à l’ensemble de ses facteurs génétiques propres et de facteurs environnementaux. Afin de bien comprendre la maladie il nous faut donc le plus grand nombre de cas possible afin de créer une cohorte cohérente. Travailler à l’échelle européenne nous donne accès à de nombreux patients supplémentaires.
Le projet EURAS consiste à mieux comprendre l’ensemble des maladies affectant la voie de signalisation cellulaire spécifique des RAS impliquée dans la division cellulaire et le neurodéveloppement. Les patients présentent majoritairement un retard mental mais aussi une malformation crâniofaciale, ou encore des atteintes cardiaques ou un syndrome autistique.
Pour comprendre ces maladies, de nombreuses expertises ne se trouvant pas forcément dans un seul pays sont nécessaires. Pour ce projet nous avons donc décidé de faire fi des frontières et de ne regarder que les compétences techniques des laboratoires partenaires, entrainant la création d’un large consortium européen.
Le but du projet, initié par les associations de patients et ayant été retenu dans le cadre de l’appel à projets Horizon Europe, consiste à recruter la plus large cohorte possible de patients, à étudier l’expression individuelle de la maladie, puis de comprendre les causes communes.
Une fois ceci réalisé, nous testerons dans la banque de médicaments sur le marché l’ensemble des molécules afin de voir si nous arrivons à diminuer l’effet de la mutation sur nos modèles biologiques (cellules humaines en culture ou souris).
Pourquoi tester les 5 000 médicaments présents sur le marché ?
Eric Hosy : Il existe de nombreux médicaments ayant été développés pour soigner une maladie particulière. Par exemple, les sociétés pharmaceutiques ont développé et mis sur le marché de nombreux médicaments pour lutter contre la maladie d’Alzheimer. Malheureusement ces molécules actives sur la biologie du cerveau n’ont jamais donné de résultats pour cette maladie. Il nous semblait important de tester ces molécules sur d’autres pathologies affectant le cerveau.
Une fois la signature moléculaire des différentes maladies étudiée et identifiée nous testerons l’effet sur des cellules en culture de près de 5000 médicaments. Autant de médicaments que, bien entendu, nous n’aurions pas pu donner aux quelques centaines d’enfants malades en Europe. C’est ce qui est appelé le reconditionnement de médicaments.
Comment techniquement allez-vous procéder pour tester si des médicaments existants sont efficaces sur des maladies rares ?
Eric Hosy : C’est le cœur du projet EURAS. Nous allons extraire des cellules de peau des patients et les transformer en neurones ou en système neuronal un peu plus complexe, une sorte de proto-cerveau en 3 dimensions. Cela nous permettra d’avoir la variabilité génétique des différents patients. Ensuite, une large partie des laboratoires impliqués détermineront si nous sommes capables de « soigner » ces cellules avec ces médicaments.
Enfin, il y aura la phase de validation. Comme le médicament a déjà passé les tests de compatibilité avec l’homme, nous pourrons proposer la mise en place d’une étude clinique nationale ou internationale pour tester sur les patients l’effet du médicament identifié.
Propos recueillis
par Alexandre Marsat
Interview réalisée en partenariat avec le CNRS dans le cadre du Mois de l’Europe.
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