Les Français sont des râleurs, c’est un fait acquis. Mais au delà de l’anecdote et du folklore, il y a un vrai problème social qui rend les Français moins heureux que leurs voisins

La France, sa Tour Eiffel, sa gastronomie et… ses râleurs. Parce que oui, ce n’est pas qu’une image, les Français sont fondamentalement mécontents et ils l’expriment, parfois avec véhémence. Et ce, quoi que l’on mesure : que ce soit au travail où une étude britannique de 2007 les classe plus râleurs au monde devant les Britanniques et les Suédois. Ou bien sur internet où ils sont le deuxième pays au monde (derrière la Corée du Sud) à utiliser le plus le smiley « mécontent » sur Facebook.

Gaël Brulé, dont le bonheur est un des sujets d’étude et qui vient de publier « Le coût environnemental du bonheur » confirme cette tendance : « C’est assez avéré : notre bien-être déclaré est plus bas que celui des pays voisins. »

Mais pour autant, protester n’est pas forcément catastrophique. Si on veut ne pas faire son Français et qu’on décide de voir le verre à moitié plein, on peut aussi considérer que ceux qui ne refoulent pas leurs sentiments négatifs vivent plus vieux que les autres. Ou en tous les cas, qu’ils développeraient moins de cancers et de maladies cardiovasculaires.

Gaël Brulé reconnaît lui-même « qu’intérioriser serait pire. Il y a certes un petit effet cathartique mais traiter les causes serait plus efficace. » Parce que pour lui, ce mécontentement n’est pas qu’un folklore au même titre que le duo baguette-béret : « Il ne faut pas s’arrêter aux aspects cosmétiques. On peut se plaindre un peu… c’est normal. Mais il y a quelque chose de plus profond. »

Avoir son destin en main

Et ce quelque-chose est profondément lié à l’impression que l’on a de ne pas pouvoir influer sur son destin, son environnement. Plus cette influence est possible, plus le bien-être ressenti est important : « En France, on trouve une relation de domination des institutions plus marquée qu’ailleurs dans l’OCDE. Ça commence dès l’enfance avec un système éducatif qui est plus axé sur l’apprentissage de l’obéissance que de l’autonomie. » Ça, c’est pour la structure générale, inhérente à un certain « génie français » des institutions sourdes aux demandes extérieures. A cela s’ajoute « un sentiment de déclassement. Ça vient en plus. »

Un nouveau récit national ?

Pour Gaël Brulé, il y a à la fois un besoin urgent d’horizontalité dans la prise de décision mais aussi « le besoin d’un récit national qui englobe plus de choses et ça… je ne le vois pas du tout. Il y a des parties de la population qui seraient prêtes à ce nouveau récit. Il n’est pas nécessaire d’abandonner le PIB comme mesure de la richesse mais il faut y ajouter d’autres choses. La France pourrait être le moteur de cette trajectoire qui inclurait des effets environnementaux. » Clairement, il y a une dissonance cognitive entre les désirs d’une grande partie de la population et l’idéal qu’on lui propose.

Pour autant il ne condamne pas forcément les effets positifs d’une insatisfaction qui doit rester dans des limites : « L’insatisfaction est motrice. Elle nous fait bouger. Mais elle ne doit pas devenir chronique. » Ce qui est pourtant en train de se passer, surtout depuis que la verticalité et la notion « d’hyper-président » sont devenues la norme. D’autant qu’un peu de mécontentement, c’est aussi bon pour l’image : « Au delà du french-bashing, il y a ce côté révolutionnaire qui fascine. Il y a une forme d’admiration dans les pays anglo-saxons. » Ah… être admirés par les anglo-saxons… voilà de quoi remonter le moral ?

Jean Luc Eluard

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