« Tant de châteaux en Dordogne », c’est beaucoup. Mais c’est combien ? Entre 500 et 1 500, tant pis pour les amateurs de précision.
Le chiffre de 1 500 se vêt d’une ambition exhaustive qui regroupe jusqu’aux bâtiments dont il ne reste que quelques pierres ou ceux dont il ne reste de traces qu’écrites. L’amateur de visites n’y trouvant pas son compte et la définition de château pouvant parfois être vague, restons-en au slogan du tourisme périgourdin, qui, s’il est tout aussi vague, a au moins le mérite de faire rêver : « Le pays des mille et un châteaux ».
Plus que les 101 dalmatiens en tous les cas, pour ce qui est incontestablement le département français qui compte le plus de châteaux. Là, pas de doute : aucun autre département n’enregistre une telle concentration, car, si on estime à un peu plus de 10 000 le nombre de châteaux construits en France, la Dordogne en possède environ 10 %.
Guerres et forteresses
À cela, plusieurs raisons. D’abord, la présence ici d’une petite noblesse pléthorique. Puis la « chance » d’avoir connu des conflits perpétuels à l’époque où l’on répondait à la guerre par la construction de forteresses.
Le Périgord, qui correspond à peu près à l’actuelle Dordogne, est l’enjeu central dans deux luttes qui vont marquer le Moyen Âge. D’abord celle, à peu près feutrée, entre les ducs d’Aquitaine et les rois de France, qui n’empêche cependant pas la « course aux armements » et aux châteaux. Mais aussi et surtout, la guerre de Cent Ans, qui commence par une bataille à Bergerac et s’achève à Castillon.
Bref, c’est ici que va se jouer le gros des querelles entre Anglais et Français, et les deux rois vont y sous-traiter leur guerre en accordant privilèges et droit de construire à tous les seigneurs qui veulent bien leur prêter allégeance. Là où, ailleurs, les rois sont regardants lorsqu’il s’agit d’autoriser des fortifications qui pourraient se retourner contre eux, ils en acceptent ici à foison.
D’ailleurs, si l’on regarde la carte des châteaux de Dordogne, on y distingue des lignes parfaitement parallèles, qui se font face parfois à quelques dizaines de mètres seulement l’une de l’autre, marquant par des forteresses une ligne de démarcation entre alliés des Français et des Anglais. Plusieurs « doubles lignes » couturent ainsi le département, marquant les variations de la « frontière », qui demeure floue.
Sitôt après ce conflit, on embraye très vite avec des guerres de religion particulièrement féroces par ici, ce qui permet de ne pas démanteler les châteaux. Ensuite, la région perdra toute importance stratégique et les rois de France ne prendront pas la peine de ratiboiser des forteresses qui, d’ailleurs, ne sont plus d’actualité face aux nouvelles armes.
Comme quoi, quelques bonnes guerres, ça peut être bon pour le tourisme…
Jean Luc Eluard
Photo credit: Château de Commarque / Commarque Castle via photopin (license)
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