C’est l’info virale de la semaine qui a tous les éléments clefs du buzz pour fonctionner. Selon une étude menée par une équipe de chercheurs anglais et hollandais, on aurait une meilleure prononciation en langue étrangère après avoir bu un peu d’alcool. Puisque c’est la science qui le dit, cela doit être vrai…

Et voilà tous les médias qui se lancent corps et âmes derrière cette info la relayant parfois même de manière très accrocheuse « C’est prouvé, boire de l’alcool nous rend meilleur en langues étrangères ». Il n’en fallait pas plus pour que les internautes entendent « bourrés, on est meilleurs en langues ».

France Info dont on ne pas dire que le site web multiplie les contenus « putaclic » est bien plus factuel et réaliste « Boire une faible quantité d’alcool améliore notre prononciation dans une langue étrangère ». Et sur leur site FranceinfoTV, il est même rappelé dès le début de l’article « l’abus d’alcool est évidemment mauvais pour la santé », semant certainement inconsciemment la confusion pour les lecteurs entre dose faible et abus.
A la clef pas moins de 13.000 partages. Publié la veille, un autre article scientifique sur la grotte découverte sur la Lune aura eu moins de chance avec 40 partages…
A l’origine de cet emballement, un post du Time qui prend moins de précaution « It’s True : Alcohol Helps You Speak a Foreign Language Better ».
Passé ce côté très accrocheur dont use elle-même l’étude publiée par l’équipe scientifique britannique et néerlandaise dans la revue Journal of psychopharmacology, lire l’intégralité des articles permet finalement ses distances.

Explications de la recherche repérée par le Time !

Tout d’abord la dose d’alcool est minime, l’équivalent d’une bière. Une fois celle-ci avalée, il apparaît que le groupe de 25 cobayes sollicités par les chercheurs ont une prononciation et fluidité meilleures que l’autre groupe de 25 n’ayant bu que de l’eau. La prononciation ne fait pas de nous des bilingues ou des « polyglottes » comme on a pu lire sur certains sites d’infos : les notes sur « la grammaire, le vocabulaire et l’argumentation étaient similaires entre les groupes » révèlent les scientifiques.

On peut aussi s’interroger sur la valeur d’une telle étude au vu du faible nombre de participants : 50 cobayes germanophones parlant hollandais notés par 2 néerlandophones. Cela ne constitue pas vraiment pas une cohorte scientifique. Et l’entretien qui a servi d’évaluation a duré 2 minutes… Publiée dans une revue scientifique puis repris par le Time, voilà la simple genèse d’une recherche virale, et dont le contenu encourage tous les abus de langage.

Et sur l’alcool le Time pointe à la fin de son article : « parce que les gens dans l’étude savaient ce qu’ils buvaient, il n’est pas possible de savoir si leur discours s’est amélioré à cause des effets biologiques de l’alcool ou de ses effets psychologiques ». Les chercheurs expliquant eux-mêmes : « Les recherches futures sur ce sujet devraient inclure une condition placebo d’alcool. (…) Il est possible qu’une dose d’alcool faible à modérée réduise l’anxiété du langage et augmente donc la compétence ».
Bref, nous voilà bien avancé.

Une bière au comptoir ne fera pas des polyglottes.

Alexandre Marsat

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