C’est typiquement le genre de débat où l’on a une position nette : oui, les jeux violents rendent les ados plus violents. Ou non, ça n’a rien à voir. En fait, il est impossible de trancher aussi facilement

« Les parents se fient aux médias qui se fient aux psys et aux scientifiques. Ce sont des gens très prudents dans leurs publications mais quand ils parlent aux médias, ça déraille, ils ont tout de suite un avis tranché. » Pour le psychologue et gamer Yann Leroux, tout le monde est un peu responsable des avis erronés sur les jeux vidéos dans un sens comme dans l’autre.

Parce que ne pas avoir d’avis totalement définitif ne fait pas de vous un « bon client » médiatique et qu’en plus, le domaine est éminemment politique. En fait, comme pour le cinéma, « on est dans une société très violente et les jeux la reflètent. »

Le psychothérapeute bordelais, spécialiste des jeux vidéos et de leur univers (et lui même gamer invétéré), préfère mettre les choses en perspective : « C’est un sujet sur lequel on a travaillé depuis longtemps, en commençant par la violence à la télé. Puis on s’est intéressé aux jeux vidéos en estimant que c’était pire parce qu’il y avait une participation active. Les résultats sont les mêmes dans les deux cas : il y a une influence mais elle est très très faible. »

Mais selon lui, tout ceci est insuffisant pour être définitif malgré les études par questionnaire, longitudinales, en labo ou par méta-synthèse qui se sont multipliées. Il avance tout de même quelques éléments de réponse : oui, les jeux vidéos violents suscitent plus de pensées violentes, plus d’émotions violentes aussi. Essentiellement pendant et juste après le jeu. Mais quant à des comportements violents ensuite « ils demeurent dans le registre de la violence normale. Si on pratique un sport, celui qui a joué au jeu vidéo commet plus de fautes directes. Mais peut-être aussi parce qu’il est surmotivé. »

Tueur et gamer, une logique d’âge

En fait, les biais des études sont légions. Ils sont surtout idéologiques : « Les auteurs de tueries dans les lycées américains sont des gamers. OK, mais c’est parce qu’ils ont 20 ans et qu’à 20 ans, tous les jeunes sont des gamers. » En outre, beaucoup d’expériences fonctionnent en labo mais les règles de la vie en société modèrent les résultats obtenus en champ clos.

Surtout, le spécialiste souligne que ce n’est pas forcément le jeu vidéo qui provoque de la violence mais c’est plutôt sa nature, son contexte : lorsque ce sont des jeux vidéos violents mais en mode coopératif, ils provoquent beaucoup moins de violence que ceux où l’on est en concurrence. C’est la concurrence plus que la violence du jeu qui rend les gens violents. Quand on parlait de conclusions très politiques… ça en dit long sur la notion de concurrence…

La qualité des jeux interrogée

Pour Yann Leroux, la qualité des jeux est davantage en question et il fait un parallèle avec la littérature : « Il y a des jeux qui sont des classiques, qui apportent quelque chose. D’autres qui sont comme des romans de gare : on se fait plaisir sur le moment mais on n’en tire rien. Et d’autres qui sont tout simplement mauvais. » Et le débat sur la violence permettrait de masquer d’autres problématiques : « Comment se fait-il que dans les jeux, les gens dangereux sont toujours des noirs ou des arabes ? Comment se fait-il que les femmes soient plus souvent dévêtues que les hommes ? »

Toutes les sciences doivent s’y mettre pour essayer d’apporter une réponse globale. Avec le risque d’arriver trop tard : « Pendant longtemps, on a fait des études sur l’addiction à la télévision. Qui parle encore d’addiction à la télé de nos jours ? »
D’ici à attendre une chute de la pratique des jeux vidéos…

Jean Luc Eluard

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