Anne-Charlotte de Langhe, journaliste indépendante, explique comment elle s’assure que la personne à qui elle donne la parole est légitime pour la prendre

« Cela dépend vraiment beaucoup de l’article, mais de manière générale je privilégie ce que j’appelais des sources directes, au plus près du sujet, qu’il s’agisse d’une affaire judiciaire, d’un fait divers ou d’un sujet plus généraliste.

Si je fais un papier sur un restaurant, la source directe sera le chef plutôt qu’un ancien commis, par exemple. En matière de justice, on essaie d’avoir les magistrats, qui parlent très peu, et les avocats des deux camps.

Pour un fait divers, l’entourage de la victime ou du suspect plutôt qu’un camarade perdu de vue depuis des années, même si je n’hésite jamais à remonter dans le temps si j’estime pouvoir y trouver une source fiable. Ces sources secondaires peuvent apporter un éclairage intéressant, parfois. Mais en général, mieux vaut être au plus près et déterminer qui sont les protagonistes directs, ce qui dans leur entourage peut m’éclairer.

C’est comme tirer un fil, créer des cercles et s’éloigner du centre pour se rapprocher du cœur, ce qui peut sembler paradoxal. Autre paradoxe, on sait que l’on doit prendre de la distance avec son enquête, rester objectif, ne pas être dupe. Et dans le même temps, je fais aussi beaucoup confiance à mon intuition. Avec l’expérience, on écoute cette petite voix intérieure. Mais avoir identifié des personnes-ressources que l’on pense être légitimes ne dispense en rien de recouper, de vérifier les informations. Je préfère en mettre de côté plutôt que d’en publier sans les vérifier. »

« La crise sanitaire a posé avec force la question des experts »

« L’autre facette de cette question des personnes-ressources, c’est le choix des experts. Comment s’assurer qu’ils sont légitimes ? Déjà, je pense qu’un bon indicateur est le fait qu’ils aient écrit des thèses, des livres, des rapports sur le sujet, qu’ils aient été sollicités par des institutions. C’est un gage de maitrise.

Ensuite il faut que cette personne soit capable de vulgariser, de parler de ce qu’il maitrise de manière didactique pour que le lecteur comprenne de quoi il est question. La crise sanitaire a posé avec force cette question des experts.

L’emballement médiatique a fait que c’était le branle-bas de combat dans les stations de radio, sur plateaux de télévision et dans les journaux pour faire venir des épidémiologistes, des chercheurs…. La concordance des sollicitations a amené certains journalistes à être moins regardants, justement, sur la légitimité des experts.

La multiplicité des personnes-ressources pas toujours légitimes a entrainé, notamment, des sons de cloche médicaux totalement différents, ce qui a perturbé le débat et l’a rendu inaudible et incompréhensible. D’où l’importance de choisir une personne-ressource fiable, au langage clair, et qui ne se contredit pas d’une semaine sur l’autre. »

Retrouvez tous les articles de notre série sur l’esprit critique : lire ici.

Propos recueillis par
Jean Berthelot de La Glétais

 

Avec le soutien du ministère de la Culture

 

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