C’est un paradoxe: plus il y a de trous, moins il y a de pain mais plus il y a de pain, plus il y a de trous. C’est valable aussi pour l’emmental, dont les trous ont une autre origine

Ceux du pain sont provoqués par les levures, mais chaque ingrédient a un rôle à jouer. Il y en a peu : de la farine, de l’eau, du sel et des levures. Dans un premier temps, on mélange tout ça, ce qui permet au gluten présent dans la farine de jouer son rôle de colle et de créer une boule de pâte presque hermétique, dans laquelle l’air ne peut pas pénétrer. C’est pendant que la pâte repose que les levures s’activent. Il en existe des milliers de sortes différentes, mais celle qui est utilisée ici est la Saccharomyces cerevisiae (pour ceux qui ne parlent pas couramment le latin, c’est le champignon à sucre de la cervoise, la fameuse bière des Celtes). Un autre type de levure est la candida, qui provoque notamment des mycoses ; c’est agréable pendant qu’on mange…

Or donc, ce petit organisme vivant est un champignon qui peut vivre avec ou sans air. Tant qu’il y a de l’air dans la pâte, il s’en nourrit et produit du gaz carbonique à quantité à peu près égale. Mais sans oxygène, il est plus intéressant : il transforme le sucre en éthanol et en gaz carbonique. Et en plus, l’eau présente dans le mélange encourage ces petits champignons à bosser. C’est pour cela que la pâte « lève », jusqu’à atteindre trois fois sa taille initiale : les levures produisent du gaz et le gluten, étanche, l’empêche de sortir. Il crée donc des bulles. Une fois passé au four, le pain n’est plus élastique et les trous sont figés.

Quant à l’éthanol, il est détruit par la cuisson (on ne peut donc pas se saouler en mangeant du pain) ainsi que les levures, ce qui n’est pas très sympa après le boulot qu’elles ont abattu. Leur vengeance post-mortem étant de permettre à la confiture de tomber…

Et l’emmental dans tout ça ? On a longtemps cru que des bactéries étaient à l’origine de ses trous, mais on sait seulement depuis l’an dernier qu’il n’en est rien. Ce sont en fait de petites particules de foin, tombées dans le lait au moment de la traite, qui, en fermentant (selon donc le même principe que les levures), dégagent du dioxyde de carbone qui crée ces trous puisqu’il est piégé par la croûte du fromage. L’hygiénisme actuel met en péril cette merveille de la nature: en supprimant le seau du pis des vaches au profit de systèmes automatiques et presque stériles, on diminue fortement la quantité de particules de foin et donc les trous. Moins de trous, plus de fromage ?

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