Les produits phytopharmaceutiques créent plus de problèmes qu’ils n’apportent de solutions. Car ces substances chimiques sont loin d’avoir un effet limité et sélectif. Elles contaminent tous les milieux, les organismes vivants et affectent même certains services rendus aux hommes par la biodiversité

Les produits phytopharmaceutiques (PPP) sont partout. Dans l’air, l’eau et les sols. On les retrouve dans des zones proches des pôles ou les grands fonds marins. Ils contaminent tous les milieux et fragilisent la biodiversité et les services qu’elle nous rend. Telle est la conclusion édifiante de l’expertise collective sur les « impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques* », confiée à l’INRAE et l’Ifremer par les ministères en charge de l’écologie, de l’agriculture et de la recherche. Pendant deux ans, 46 experts affiliés à 19 organismes ont épluché plus de 4 000 références scientifiques internationales. Et le doute n’est plus permis…

Schéma général de la contamination de l’environnement par les produits phytopharmaceutiques. SOURCE : ESCo mai 2022, figure 2.

Des impacts directs avérés

Dans les zones agricoles, qui font l’objet de l’essentiel des travaux, « les études disponibles permettent d’affirmer de manière robuste que la contamination par les produits phytopharmaceutiques est l’une des causes majeures du déclin de certaines populations d’invertébrés terrestres ou aquatiques, ainsi que des oiseaux communs » commente Stéphane Pesce, l’un des trois coordinateurs de cette expertise collective, écotoxicologue à l’INRAE.

Papillons et abeilles paient ainsi un lourd tribut à l’utilisation des insecticides qui induisent des effets directs aigus, allant jusqu’à la mort. Les produits phytopharmaceutiques sont également fortement suspectés de participer au déclin des populations de chauve-souris et d’amphibiens.

Des effets sublétaux mieux connus

« L’exposition chronique aux produits phytopharmaceutiques induit aussi des effets dits sublétaux, longtemps méconnus. Ces effets se manifestent par des perturbations biologiques ou comportementales, dont certaines peuvent se transmettre aux générations suivantes. » L’exposition des abeilles aux insecticides néonicotinoïdes entraîne notamment une baisse des défenses immunitaires des adultes et une plus grande fragilité des larves. Ces substances perturbent également l’efficacité de leur vol et leur sens de l’orientation, perturbations préjudiciables à la récolte du pollen ou aux trajets entre la ruche et les fleurs visités.

Ce type de perturbations touche également les oiseaux migrateurs, exposés aux néonicotinoïdes lors de leurs haltes dans les parcelles agricoles, au risque de compromettre le succès de la migration.

Illustration des effets des PPP sur les vertébrés terrestres dans les espaces agricoles. SOURCE : ESCo mai 2022, figure 15.

Des impacts indirects constatés

« A ces effets directs, s’ajoutent des effets indirects qui sont de mieux en mieux caractérisés », souligne également Stéphane Pesce. Ainsi, l’utilisation des herbicides sur la végétation détruit-il l’habitat de nombreux insectes, parmi lesquels les abeilles sauvages. Solitaires, ces abeilles font majoritairement leur nid dans la terre ou utilisent des ressources végétales, voire des tunnels creusés par d’autres insectes.

L’application d’insecticides ou de certains fongicides participe aussi à la réduction des ressources alimentaires des organismes insectivores. Avec des répercussions en chaîne : l’effondrement des populations d’insectes constaté en Europe depuis trente ans entraînant celui des oiseaux qui s’en nourrissent !

Des services écosystémiques perturbés

L’une des originalités du travail réalisé ici réside dans la prise en compte du rôle écologique des différentes espèces considérées, c’est-à-dire leur participation au bon fonctionnement des écosystèmes. Et là encore, les résultats sont édifiants. Utilisés pour protéger les cultures contre les « ravageurs », les produits phytopharmaceutiques éradiquent au passage d’autres insectes comme les coccinelles, prédateurs naturels de ces mêmes ravageurs. Par ailleurs, le déclin des abeilles menace aussi le service de pollinisation. « Ces deux services écosystémiques, essentiels à la production végétale cultivée, sont négativement impactés par l’utilisation des produits phytopharmaceutiques », avertit Stéphane Pesce.

« Le message qui ressort de la littérature analysée est que la préservation des services écosystémiques implique une réduction de la pression exercée par les produits phytopharmaceutiques », peut-on lire parmi les conclusions du rapport (p. 110). Une réduction d’autant plus urgente que les produits phytopharmaceutiques ne sont qu’une partie de la pollution chimique à laquelle est exposé le Vivant, humains compris.

Alexandrine Civard-Racinais

* Sophie Leenhardt, Laure Mamy, Stéphane Pesce, Wilfried Sanchez, (2022). Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques, Synthèse du rapport d’ESCo, INRAE – Ifremer (France), 136 pages.

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