Au Brésil, la forêt amazonienne est victime de plus de 33 000 foyers actifs. Le phénomène est d’une ampleur sans précédent. Avec des conséquences pour les hommes, la biodiversité et le climat mondial

L’ Amazonie brésilienne a connu son pire mois d’août depuis 2010. Le programme de surveillance des feux de l’INPE (l’agence nationale brésilienne pour la recherche spatiale) a détecté pas moins de 33 116 foyers actifs (contre 28 060 en août 2021). C’est le chiffre le plus haut depuis 12 ans. Et le mois de septembre commence très fort, avec 16 698 foyers d’incendie enregistrés au cours de la première semaine. « La forêt brûle, le futur avec », a déploré le journaliste franco-brésilien Bruno Meyerfeld sur son compte twitter, s’attirant aussitôt les foudres des sceptiques de tous poils qui ne voient pas le rapport… Pourtant les forêts ne sont pas les seules victimes de ces feux.

La santé des populations en danger

Dans toute l’Amazonie brésilienne (1), la santé de millions de personnes est en danger, s’inquiétaient déjà l’Institut amazonien pour la recherche environnementale (IPAM), l’Institut d’études pour les politiques de santé (IEPS) et l’ONG Human Rights Watch, en août 2020. 

Dans un rapport intitulé « L’air est irrespirable », elles relèvent qu’au moins 2 195 hospitalisations pour maladie respiratoire sont attribuables aux fumées toxiques générées par les incendies de 2019. Les personnes âgées et les nourrissons de moins d’un an étant les plus représentés. Un chiffre vraisemblablement très sous-estimé en raison de la difficulté d’accès aux soins de certaines populations et de la juxtaposition de l’épidémie de Covid-19.

Une mortalité accrue chez les animaux

Il en va de même pour les animaux, dont il est encore très difficile d’estimer les pertes. Un petit détour par le Pantanal donne néanmoins une idée de la tragédie en cours. En 2020, un tiers de cette éco-région terrestre abritant la plus grande concentration d’animaux sauvages d’Amérique du Sud a été détruite par les flammes. Dans un article encore en cours de validation, le chercheur Walfrido Moraes Tomas (3) estime que ces incendies sont directement responsable de la mort de 17 millions de vertébrés dans le Pantanal brésilien (Tomas et alii, 2021). Sans compter les invertébrés…

La forêt amazonienne pourrait connaître un bilan encore plus lourd. Cette forêt tropicale humide qui représente seulement 1 % de la surface émergée du globe, abrite 10 % des espèces connues et, jusqu’à 25 % de la biodiversité. Elle participe aussi au cycle de l’eau et au climast.

Plus de rejet de C02 dans l’atmosphère

Or, les incendies en cours en Amazonie sont aussi une très mauvaise nouvelle pour le climat. Lorsqu’un arbre brûle, il libère en effet du CO2. Dans la seconde moitié du mois d’août, les satellites du réseau européen Copernicus ont ainsi enregistré « des émissions quotidiennes supérieures à la moyenne en provenance de la grande région (…), ce qui se traduit par des émissions totales estimées parmi les plus élevées pour la période depuis 2010 (avec la période 2019-2021). » 

Sachant que l’Amazonie brésilienne émet désormais plus de carbone qu’elle n’en absorbe, il est urgent de freiner la déforestation et la dégradation de la plus grande forêt tropicale du monde pour limiter autant que possible les incendies qui en résultent et ruinent notre futur commun.

Alexandrine Civard-Racinais

  1. La forêt Amazonienne est présente sur le territoire de 9 pays d’Amérique du Sud. Le Brésil en occupe la plus grande partie (67%).
  2. The Air is Unbearable: Health Impacts of Deforestation-Related Fires in the Brazilian Amazon, août 2020.
  3. Brazilian Agricultural Research Corporation (EMBRAPA).
Des causes humaines

« L’Amazonie est une forêt tropicale humide, et (…) le feu ne fait pas partie de son cycle naturel », rappelle Mariana Napolitano, responsable scientifique au WWF-Brésil dans un communiqué publié le 1er septembre 2022. Les incendies enregistrés ces dernières années sont liés à la déforestation et à la dégradation des forêts, en lien avec des activités humaines.

« Les incendies, en général, correspondent à la dernière étape de la déforestation : après avoir coupé les arbres, les criminels mettent le feu à la forêt abattue pour « nettoyer la terre ». Mais la dégradation des forêts contribue aussi fortement à l’augmentation des incendies. Les zones dégradées (…) comptent moins de grands arbres. Elles sont donc plus exposées, plus sensibles aux effets de la sécheresse, et elles accumulent une biomasse plus sèche et plus inflammable, très vulnérable aux incendies. »

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