Le mot sobriété est aujourd’hui sur toutes les lèvres, parfois accompagné d’un petit sourire entendu. Car cette notion ancienne, de retour sur le devant de l’actualité, est très souvent caricaturée. Elle est pourtant centrale dans la transition écologique. Et s’engager dans cette démarche peut même être source de satisfaction…

Pour faire face aux conséquences du réchauffement climatique, la France s’est fixée pour objectif d’atteindre la « neutralité carbone » d’ici à 2050. D’après une vaste étude prospective réalisée par l’Agence de la transition écologique (Ademe), quatre scénarii peuvent nous permettre d’y parvenir. Quatre chemins, correspondant à des choix de société distincts : du plus « frugal » au plus « technologique ».

« La sobriété consiste à nous questionner sur nos besoins et à les satisfaire en limitant leurs impacts sur l’environnement ». 

Définition proposée par l’Ademe

1- La sobriété, une partie de la solution

Trois des quatre scénarios proposés s’appuient sur « la sobriété (qui) apparaît comme un élément structurant du choix de développement, souligne Fabrice Boissier, directeur général délégué de l’Ademe dans une contribution publiée sur le site The Conversation.  « Nous avons en effet trois leviers principaux pour diminuer nos impacts sur le climat : la sobriété (s’interroger sur nos besoins), l’efficacité énergétique (produire en consommant moins d’énergie), et le recours aux énergies propres. Or ces deux derniers leviers sont limités par leur potentiel physique et restent conditionnés au progrès technologique ». 

Dans ce contexte, la réduction de la demande en biens de consommations et en énergie est tout sauf un caprice d’amish réfractaire. D’autant qu’il s’agit d’un levier sur lequel chacun peut agir.

2- La sobriété, source de satisfaction

« Nos actes de consommation représentent la plus grande partie de notre empreinte carbone, relève en effet Fabrice Boissier. Plus on achète, plus on fabrique, et plus on fabrique, plus on utilise d’énergie et de matières premières… Prenons l’exemple du textile : nous achetons aujourd’hui deux fois plus de vêtements qu’il y a 15 ans ! Pouvons-nous interroger la nécessité de renouveler notre garde-robe aussi fréquemment ? » S’interroger, et se mettre en mouvement…

Nombreux sont les citoyens qui sont déjà passés à l’acte, par nécessité ou par choix. C’est le cas des 21 familles qui ont participé à l’opération « Osez changer !  » organisée d’avril à juin 2021 par l’Ademe, avec l’appui d’une professionnelle du rangement. L’objectif  : inventorier, trier, désencombrer leur logement pour mieux se libérer du superflu et retrouver de l’espace… pour soi.

3- La sobriété, un élan participatif

Ce type d’initiatives, encouragées par les mouvements citoyens du « zéro déchet », du « minimalisme » ou encore du « slow », ont pour trait commun de viser non seulement une forme de déconsommation, mais aussi de nouvelles formes de bien-être et de bonheur. Basées sur plus de liens, et non plus sur l’accumulation de biens. Elles témoignent qu’il est possible, et même désirable d’aller vers des comportements plus sobres. Mesurée par le CREDOC depuis 2013, cette tendance devrait encore s’amplifier dans les années à venir, en lien avec l’attention croissante portée à l’écologie dans les nouvelles générations. 

Bien sûr, il ne s’agit pas de faire peser sur les seuls consommateurs le poids des efforts à consentir pour arriver à la neutralité carbone en 2050. Le défi est immense. Pour aboutir à un consensus, la réflexion devra nécessairement être collective. Mais chacun peut faire sa part, comme le petit colibri de Pierre Rahbi chantre de la sobriété heureuse. Dans ce contexte, loin d’être un élan régressif, le choix de la sobriété est au contraire un élan participatif pour nous permettre d’aller de l’avant.

Alexandrine Civard-Racinais

Vous avez dit sobriété ?

• Il n’existe pas de définition précise et consensuelle de la sobriété, soulignent Florian Cézard et Marie Mourad. Cette notion rassemble un continuum de démarches promouvant (à différents degrés et à différentes échelles) une modération de la production et de la consommation de ressources énergétiques et matérielles, par une transformation des modes de vie.
Lire : Florian Cézard, Marie Mourad. 2019. Panorama sur la notion de sobriété – définitions, mises en œuvre, enjeux. 52 pages.

• Le concept de « Sobriété heureuse » a été forgé par Pierre Rabhi, pionnier de l’agro-écologie et fondateur du mouvement citoyen Les Colibris. Dans sa Charte pour la terre et l’humanisme, il définit la sobriété heureuse ainsi : « Face au « toujours plus » qui ruine la planète au profit d’une minorité, la sobriété est un choix conscient inspiré par la raison. Elle est un art et une éthique de vie, source de satisfaction et de bien-être profond. Elle représente un positionnement politique et un acte de résistance en faveur de la terre, du partage et de l’équité. »
Voir ou revoir la Masterclasse de Pierre Rabhi, la sobriété heureuse | iaelyon

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