Étonnant ! Les avancées médicales dans la prise en charge des malades du scorbut, ont contribué à la suprématie navale anglaise au XIXe siècle !
La bataille de Trafalgar a laissé un goût acide dans son sillage. Car cette célèbre bataille navale, remportée par les Anglais, a en partie été gagnée à coup de jus de citron. En ce début de XIXe siècle, les hommes de la Royal Navy bénéficient en effet d’une dose quotidienne de jus de citron, allongée d’un peu d’alcool. Un élixir destiné à les protéger du scorbut, terreur des marins. Et pour cause : « Cette maladie mortelle, apparue avec les premières navigations au long cours, était capable de décimer un équipage entier, et de transformer un navire en vaisseau fantôme », relève le microbiologiste Patrick Berche, Président de la Société française d’histoire de la médecine.
Le scorbut, terreur des marins
L’enjeu est donc de taille, en particulier pour les marines de guerre dont les vaisseaux relâchent moins souvent que ceux des compagnies commerciales. Car « les premiers symptômes apparaissent au bout de deux à trois mois de navigation sans escale ». Ils se manifestent par une fatigue et une pâleur extrême, une faiblesse musculaire… Puis, le mal progresse : saignements des gencives et déchaussement des dents, hémorragies multiples… Il peut aussi régresser, voire disparaître après une escale. Dès le XVIe siècle, les navigateurs avaient ainsi noté que la consommation de fruits améliorait l’état des scorbutiques.
Un anti-scorbutique efficace
Au milieu du XIXe, James Lind va faire faire un bon de géant à leur prise en charge. En 1747, ce médecin écossais mène l’un des premiers essais thérapeutiques contrôlés au monde. A bord du HMS Salisbury, il teste les différents traitements en sa possession sur six paires de malades. L’une d’elle reçoit deux oranges et un citron par jour pendant une semaine. Les effets sont spectaculaires. « Les deux hommes traités au jus de citron se sont rétablis si vite qu’ils ont aidé Lind à prendre soin des autres ». Lind évoquera cette expérience dans son Traité du scorbut, mais sans en mesurer toute la portée.
« Les oranges et les citrons étaient les remèdes les plus efficaces pour (traiter) cette maladie ».
James Lind, Traité du scorbut, 1753
Le jus de citron, un secret militaire
Il faudra attendre encore, avant que l’usage du citron se généralise sur les vaisseaux de sa Majesté. En 1795, le chirurgien Gilbert Blane, administrateur à la Royal Navy, impose aux équipages une ration quotidienne de jus de citron additionné de 10% d’alcool. Deux ans plus tard, plus aucun cas de scorbut n’est recensé ! « A une époque où cette maladie faisait davantage de morts que les naufrages et les combats, ce n’était pas rien ! Aussi le secret de ce breuvage fut-il bien gardé. C’était un secret militaire absolu, car il conférait à la flotte anglaise un avantage capital ».
Atout majeur pour les Anglais
« C’est ainsi que les britanniques purent maintenir 140 000 hommes en permanence sur les mers. Ceci a été déterminant lors des batailles d’Aboukir et de Trafalgar gagnées à coups de jus de citron par des équipages anglais en bonne santé ». Équipages par ailleurs très disciplinés et bien encadrés. Le 21 octobre 1805, la victoire de Trafalgar met un terme aux prétentions de Napoléon et assure aux Anglais la maîtrise des mers ! La Marine de guerre française ne se relèvera jamais de ce coup de Trafalgar. Et nos équipages attendront encore 50 années supplémentaires avant d’être supplémentés en jus de citron.
Alexandrine Civard-Racinais
A lire :
• Berche Patrick. L’histoire du scorbut. Revue de Biologie Médicale, n° 347, mars 2019.
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