À défaut de transformer l’eau en vin, ce qui serait quand même plus utile, certains animaux marchent sur l’eau.

Pas de miracle à l’horizon : il y a d’abord ceux qui trichent, comme le grèbe, une sorte de canard. Ses pattes palmées lui permettent d’avoir une plus grande surface de contact avec l’eau qu’il frappe violemment, et il profite aussi de la portance de ses ailes : il les positionne de manière que l’air ait plus de chemin à faire au-dessus qu’en dessous, créant ainsi une dépression qui le soutient. De fait, il marche (il court plutôt) en volant. Facile !

Vient ensuite le basilic, petit lézard d’Amérique centrale, aussi appelé lézard Jésus-Christ pour des raisons faciles à comprendre. Il combine plusieurs techniques : il frappe l’eau comme le grèbe en maintenant ses pattes bien parallèles à l’eau. Dans le même temps, une bulle d’air se forme au-dessus de la patte, issue de la couche de gaz coincée dessous en entrant en contact avec l’eau. Cette bulle permet de réduire considérablement les frottements lorsqu’il remonte le pied. Son truc, c’est la vitesse : 70 millisecondes pour faire un pas. Autant dire que le plus rapide des sprinteurs humains devrait développer une puissance quinze fois supérieure et atteindre les 110 km/h pour faire la même chose. À ce niveau-là, même le dopage n’y suffit pas.

La « patineuse »

Voilà pour les tricheurs qui ne marchent pas vraiment mais profitent de leur vélocité ou de leurs ailes. Parce que le vrai marcheur, c’est le gerris. Lui, on le connaît : surnommé « araignée d’eau » ou « patineuse », ce carnivore de la famille des punaises pullule sur les eaux calmes à la belle saison, avançant par à-coups rapides.
Il n’est pas le seul insecte comme ça mais il est le plus connu. Lui, profite de la faiblesse de son poids pour utiliser la « tension superficielle » (ou « tension de surface ») de l’eau qui engendre, en surface, une mince couche d’eau plus résistante. Cette tension se forme à l’interface entre un liquide et un gaz : à l’intérieur du liquide, les molécules sont entourées de leurs semblables, avec lesquelles elles créent des liaisons électrostatiques. Fatalement, celles qui sont en surface, confrontées à l’air, où les molécules sont beaucoup moins nombreuses, ne peuvent produire autant de liaisons, du moins pas dans toutes les directions.
Résultat : elles renforcent leurs liaisons horizontales, avec les autres molécules de surface, générant une fine pellicule d’eau plus résistante. C’est ce phénomène qui explique la belle forme des gouttes ou encore les bulles de savon. Pour revenir au gerris, celui-ci accroît sa capacité à marcher sur l’eau en ayant au bout de ses six pattes des milliers de poils, qui, non seulement augmentent sa surface de contact mais, en outre, sécrètent une surface hydrophobe (qui « repousse » l’eau, comme l’huile) lui permettant de patiner.

Cela dit, n’essayez pas d’aller marcher sur l’eau avec des moumoutes et des bouteilles d’huile scotchées aux pieds, ça n’aurait aucun effet. Du moins pas celui escompté.

Jean-Luc Eluard

Newsletter Curieux !
Recevez chaque semaine la newsletter qui démêle le vrai du faux et aiguise votre curiosité !