Les jeux vidéo sont souvent accusés d’être à l’origine de violences, parfois même la cause de fusillades. Pourtant, il s’agit d’une idée reçue qui ne repose sur aucun fondement scientifique. Plusieurs études menées sur le sujet ne montrent aucun lien entre la violence contenue dans le jeu et le passage à l’acte dans la vie réelle    

Suite à la tuerie de masse perpétrée le 3 aout 2019 à El Paso, au Texas, le président Donald Trump a prononcé un discours durant lequel il avait directement accusé les jeux vidéo d’être à l’origine d’une « glorification de la violence ».

Cette théorie revient inlassablement dans la bouche de nombreux responsables politiques : le fait de jouer à des jeux vidéo violents rendrait irrémédiablement les joueurs plus agressifs. Mais cela est-il scientifiquement prouvé ? « Aucune étude ne montre un lien de causalité entre la pratique des jeux vidéo dits « violents » et les comportements violents dans la vie réelle », assure Martin Buthaud, doctorant en philosophie à l’Université de Rouen au sein de l’équipe de recherche interdisciplinaire sur les aires culturelles, et auteur d’une thèse sur la manière dont les jeux vidéo influencent notre représentation du monde.       

Montée de l’agressivité

Pourtant, si la plupart des expériences menées à travers le monde ne montrent effectivement aucun lien entre la violence contenue dans le jeu et un changement de comportement chez l’utilisateur, quelques études font état d’une légère montée de l’agressivité dans les minutes qui suivent la partie.

En 2014, des chercheurs de l’Université d’Oxford au Royaume-Uni et de l’Université de Rochester aux États-Unis ont proposé à des groupes d’étudiants de jouer à des simulations violentes ou à des jeux pacifiques. Les scientifiques ont alors constaté une légère augmentation de l’agressivité moyenne chez les joueurs au cours des 20 minutes suivant la partie.

Mais les auteurs de cette étude soulignent que cette agressivité n’est en aucun cas corrélée au contenu du jeu : c’est davantage le sentiment de manquer de contrôle sur le jeu, ou bien le fait de se sentir incompétent qui génère ce sentiment d’agressivité. Martin Buthaud souligne : « le climat de compétition peut entrainer un léger regain d’agressivité, mais c’est très momentané. Et ce n’est pas absolument pas spécifique aux jeux vidéo. Un joueur de Monopoly qui serait dans un état d’esprit très compétitif peut aller jusqu’à renverser la table s’il perd ».

Surtout, rien ne prouve qu’un niveau de frustration aussi modéré et temporaire puisse pousser le joueur à commettre un meurtre. « Cette agressivité ne sera pas exprimée à l’encontre d’une autre personne mais plutôt, à la rigueur, envers l’ordinateur ou le jeu lui-même, lorsque le sort de la partie nous parait injuste », pointe le jeune chercheur.

Un bouc-émissaire qui esquive les vraies causes de la violence

Pourtant, les jeux vidéo restent encore parfois stigmatisés dans les médias. En février dernier, suite à la mort d’une professeure d’espagnol poignardée par un lycéen à Saint-Jean de Luz, l’un des chroniqueurs d’une chaine d’information en continu avait directement pointé la responsabilité des jeux vidéo dans ce drame, soulignant que les jeunes ne « savent plus s’ils sont encore dans le jeu ou dans la vie réelle ».

Martin Buthaud : « Ce n’est pas parce qu’il y a des images et que l’on participe à une action que l’on va confondre le jeu vidéo avec la réalité. Le jeu vidéo est un bouc-émissaire idéal. Le discours sur la violence supposée qu’il générerait permet d’esquiver tous les autres problèmes qui mènent aux comportements violents ». De nombreux experts ont ainsi dénoncé le fait que Donald Trump pointait du doigt les jeux vidéo suite à la tuerie d’El Paso en 2019 afin de faire diversion. Et qu’il évitait ainsi d’aborder l’épineuse question de la libre circulation des armes aux États-Unis. 

Thomas Allard

Avec le soutien du Ministère de la Culture

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