C’est une question qui ne se pose avec acuité que lorsqu’on doit traverser la Manche pour aller chez les Anglais-qui-ne-peuvent-pas-faire-comme-tout-le-monde.
La réponse la plus évidente est qu’il a bien fallu déterminer un côté de circulation et que c’est celui-ci qui a été choisi, un peu par hasard. Parce qu’en fait, depuis l’Antiquité, on avait plutôt tendance à chevaucher à gauche : les chevaliers étant très majoritairement droitiers, ils portaient leur glaive à gauche pour défourailler plus vite et, pour se croiser, mieux valait porter les armes vers l’extérieur de la route, soit pour éviter qu’elles ne s’entrechoquent, soit pour pouvoir le cas échéant se battre plus facilement. L’usage est confirmé au Moyen Âge. Le pape Boniface VIII, au XIIIe siècle, recommande ainsi aux pèlerins de marcher à gauche. Cela figea la pratique pendant quatre siècles…
Jusqu’à ce que Napoléon vienne y mettre son grain de sel. Déjà, depuis quelques années, une innovation américaine avait connu un petit succès en Europe: un chariot tiré par six à huit chevaux, sans siège pour
le cocher, lequel conduit donc son attelage perché sur le dernier cheval de gauche, ce qui lui permet de contrôler toutes ses bêtes avec son fouet à la main droite. Pour éviter les coups de fouet intempestifs sur les gens que l’on croise, il vaut donc mieux rouler à droite. L’Angleterre, où les routes sont trop étroites pour de tels équipages, reste à gauche.
Et nous voici à Napoléon, qui aime bien régler tous les détails et impose la conduite à droite à tous les pays conquis. La légende veut que ce soit son habitude de faire charger l’aile droite de sa cavalerie en premier, contrairement aux usages du temps, qui l’ait incité à prendre cette décision, mais c’est assez fumeux… En tous les cas, pour les Anglais, pas question de céder à cette intolérable décision napoléonienne ! Bref, il y a alors deux mondes : les Anglais (et toutes leurs colonies) à gauche, et les autres à droite. Au fil du temps, pour des raisons d’unité, les derniers pays d’Europe continentale restés à gauche passèrent à droite, le dernier étant la Suède, en 1967, ce qui provoqua un beau bazar.
Mais un pays au moins, les Samoa, est passé de droite à gauche, en 2009 : ses principaux fournisseurs automobiles (l’Australie et le Japon) pratiquant la conduite à gauche (pour le Japon, cet usage n’a aucun rapport avec l’Angleterre mais avec la tradition insulaire), il lui était plus simple de se conformer à leur usage.
Désormais, un tiers du monde roule à gauche (en grande partie grâce à l’Inde, qui fait grimper les chiffres), et le reste à droite.
Jean-Luc Eluard
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