Un nouveau type de cellules vient d’être découvert dans le cerveau qui change notre vision du fonctionnement cérébral. Pour les scientifiques à l’origine de la découverte, ces cellules participent aux fonctions de la mémoire, au contrôle des mouvements, et même pourraient avoir un rôle dans des maladies telles que Alzheimer, Parkinson ou l’épilepsie. Explications avec Andrea Volterra, co-auteur de l’étude publiée dans Nature

Cellules gliales, neurones, synapses, astrocytes, quelle est la répartition des rôles pour le fonctionnement du cerveau ?

Andrea Volterra (1) : Dans le cerveau, nous avons beaucoup étudié les cellules neuronales parce que l’on pensait que c’était surtout par la communication dans le circuit de ces cellules que s’élaborait toute la fonction cérébrale. C’est-à-dire les comportements, nos décisions, etc. Les aspects les plus complexes de l’activité cérébrale.

Les cellules gliales, dont les astrocytes sont la plus grande population, étaient considérées comme des cellules de support structurel et métabolique pour faire bien fonctionner les circuits neuronaux.
C’est ce que l’on pensait jusqu’il y a une trentaine d’années. Mais plus récemment, on a commencé à comprendre que les cellules gliales sont capables d’émettre des molécules informatives comme les neurotransmetteurs. Des molécules que les neurones utilisent normalement pour la communication entre eux au niveau des synapses.

On pensait que cette communication était seulement le domaine des cellules neuronales mais on s’est aperçu que d’autres types de cellules telles que les astrocytes sont capables de relarguer des neurotransmetteurs et donc de communiquer.

Cela change la vision globale du fonctionnement du cerveau ! Au lieu d’avoir des cellules passives (les astrocytes), là on a des cellules qui peuvent interagir avec les cellules neuronales. C’est dans ce contexte que notre découverte s’inscrit.

Quelle est cette nouvelle cellule que vous avez découvert dans le cerveau ?

Andrea Volterra : On a d’abord découvert qu’il y a plusieurs sous-familles d’astrocytes alors que l’on pensait que ces cellules étaient une population homogène. Notre étude (2) a montré qu’il y a des sous-types différents dont l’un est spécialisé dans un type de communication similaire à celle des neurones. Et ce notamment par le relargage du glutamate. Ce dernier est le principal neurotransmetteur qui est normalement utilisé par la plupart des synapses du système nerveux central. Donc c’est un transmetteur utilisé normalement par les neurones.
Or, nous avons découvert que dans la famille des astrocytes, il y a un sous-type spécifique capable de relarguer ce glutamate et donc de participer  à l’activité des circuits qui élaborent l’information cérébrale.

Quelle est l’apport de cette découverte pour la compréhension du fonctionnement du cerveau ?

On a mis en évidence trois domaines où ces cellules jouent un rôle dans la fonction cérébrale.

Pour faire cela, nous avons induit un blocage fonctionnel de ces cellules au niveau génétique chez des souris. On a enlevé certains déterminants moléculaires, certaines protéines qui étaient dans ces cellules. Elles sont donc devenues non-fonctionnelles.

Avec ce paradigme d’expérimentation, on a pu tester l’impact sur la mémoire, et on a vu que les souris ne se rappelaient pas bien ce qu’elles avaient appris dans des tests de mémorisation.
La mémoire est donc la première fonction cérébrale dans laquelle ces cellules jouent un rôle fonctionnel.

L’inactivation de ces cellules a produit aussi des changements dans les circuits qui président au contrôle des mouvements. Ce sont les mêmes circuits qui sont endommagés dans la maladie de Parkinson où les patients ont des difficultés dans leurs mouvements et pour la déambulation. Ces cellules sont donc apparemment importantes pour maintenir une fonction correcte dans ces circuits du mouvement.

On a découvert un troisième rôle en induisant dans un modèle expérimental des attaques épileptiques. On a pu observer que lorsque la fonction de ces cellules manquait, les crises épileptiques étaient plus prononcées. Cela suggère une fonction protectrice endogène de ces cellules contre la survenue d’attaques épileptiques

Nous n’avons pas encore étudié la localisation de ces cellules dans toutes les régions du cerveau. Donc, elles pourraient avoir d’autres rôles qui restent à découvrir.

Propos recueillis par
Alexandre Marsat

(1) Andrea Volterra, co-auteur de l’étude, est professeur honoraire du Département de Neurosciences Fondamentales à Université de Lausanne (Suisse)

(2) Les résultats ont été publiés dans la revue Nature

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