Pendant longtemps, l’école privée fut pour certains la menace d’une sanction pour les élèves dissipés. Désormais, pour beaucoup de parents, inscrire leurs enfants dans le privé est un gage de réussite. Vraiment ?

Le chiffre est à peu près stable : 17% des élèves sont scolarisés dans le privé, un peu plus en secondaire qu’en primaire. Le « privé », ce sont essentiellement 96% des établissements « sous contrat », c’est à dire qu’en échange d’un contrôle de l’État sur le programme (qui doit être le même pour tous) ou le niveau de formation des enseignants, l’établissement reçoit en moyenne 73% de son budget en argent public.

Et l’essentiel des établissements (96% encore) sont des écoles d’enseignement catholique. Où l’importance de l’enseignement religieux est de plus en plus atténuée : « L’attractivité de l’enseignement catholique semble désormais une affaire de marché scolaire plutôt que de raisons religieuses », estime François Dubet, sociologue spécialiste des questions éducatives.

98,2% de taux de réussite au bac

Et une affaire d’image, symbolisée par un chiffre : en 2022, le taux de réussite au bac était de 98,2% dans le privé contre 93,9% dans le public. Quatre petits points de différence qui donnent aux parents l’impression d’un gouffre. En partie confirmé par quelques chiffres d’une étude publiée par quatre organismes de recherche : en français et en mathématiques, les élèves de primaire en école privée ont de meilleurs résultats aux tests que leurs camarades du public.

Rien de bien neuf mais… il y a un énorme « mais » : si l’on met en place un modèle mathématique qui inclut des paramètres de réussite scolaire, le résultat est tout à fait différent. Parmi ces critères, il y a notamment le niveau de CP de l’élève et surtout, ses caractéristiques familiales (famille monoparentale ou pas, niveau d’étude et de rémunération des parents…) et sa zone d’habitation. Une fois ceci pris en compte « l’effet estimé est légèrement négatif, mais non statistiquement différent de zéro » en français.

Bref, le public s’en sort à peine mieux mais c’est presque du pareil au même. En revanche, en maths, « nous trouvons un effet négatif de la scolarisation dans le secteur privé sur les tests de mathématiques passés en CE2, cet effet représentant une baisse équivalente à 11 % de l’écart-type » selon l’étude.

Une sélection gagnante pour les écoles privées

Cela corrobore d’autres études qui tendent à montrer que si le privé a de meilleurs résultats, c’est parce que son recrutement est de plus en plus uniforme et concerne essentiellement des familles aisées : « La mixité sociale dans les établissements privés sous contrat est en fort recul depuis une vingtaine d’années. Les élèves de familles très favorisées, qui constituaient 26,4 % des effectifs de l’enseignement privé sous contrat en 2000, en représentent 40,2 % en 2021 et les élèves de milieux favorisés ou très favorisés sont désormais majoritaires dans ce secteur (55,4 % en 2021) alors qu’ils représentent 32,3 % des élèves dans le public », précise la Cour des comptes dans un rapport de juin 2023. Or, ce n’est plus un tabou désormais de dire que les enfants issus de milieux favorisés ont un environnement plus propice à la réussite scolaire.

D’autres critères entrent aussi en ligne de compte, notamment la taille des établissements privés, plus petits. Ça compte aussi même si la taille des classes n’est guère différente.

Donc en terme de résultats bruts, le privé fait mieux. Mais sa capacité à « rattraper » des élèves en difficulté n’est pas meilleure. Il tire juste mieux parti de sa capacité à sélectionner ceux qui ont le plus de chances de réussir. Mais là encore, avec de grosses différences d’un établissement à l’autre, selon ses choix et sa philosophie pédagogique.

Jean Luc Eluard

Avec le soutien du Ministère de la Culture

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