Le moniteur ANI permet de contrôler les signes de la douleur chez un patient qui ne peut pas l'exprimer. Un moyen de bien doser les produits anesthésiants

Au CHU de Lille, l’entreprise MDoloris à Lille a mis au point un moniteur qui permet de réguler automatiquement la dose analgésique le plus justement possible pour diminuer la douleur des patients

Le cerveau autonome, c’est cette petite partie du cerveau que l’on n’est pas capable de contrôler. Celle qui gouverne tout ce à quoi on n’a pas besoin de réfléchir : la respiration, le rythme cardiaque… bref, le fonctionnement mécanique du corps. Dont la douleur est un peu la sonnette d’alarme. Et tout à fait logiquement, c’est vers là que Fabien Pagniez s’est dirigé en 2010 lorsqu’il a fondé MDoloris après 23 ans de Recherche et développement au CHU de Lille.

L’objectif était de créer des moniteurs capables de mesurer objectivement la douleur en se branchant directement sur les réactions physiques provoquées par le cerveau autonome, notamment dans les cas où le patient ne peut pas communiquer. Typiquement en réanimation.

Mesurer la douleur

L’enjeu n’est pas que celui du confort : la douleur provoque une hausse de la pression artérielle, du rythme cardiaque et peut donc augmenter considérablement les saignements. Et tout simplement le stress traumatique. Typiquement, pour éviter ce souci, les anesthésistes ont tendance jouent sur la dose. En mesurant au plus juste le niveau de douleur, les moniteurs ANI (pour Analgesian Nociception Index) permettent à l’anesthésiste de doser ses drogues au plus juste.

Automatiser la sédation

Et le projet « Boucle », c’est « la prise en compte de la médecine du futur » affirme Fabien Pagniez. C’est à dire l’automatisation. Alors que l’ANI récupère les données physiologiques de la douleur, un deuxième système, baptisé « Companion », viendra s’y greffer. Ce dernier administrera automatiquement la dose de drogue nécessaire, quel que soit le type de produit, le patient ou le style de chirurgie. Ce n’est pas le premier système de boucle dans la médecine mais ce sera le premier dans le domaine de l’anesthésie où il permettra de libérer des tâches pour des praticiens qui sont actuellement en sous-nombre. Une automatisation qui tombe à pic…

Valider les résultats

Pour l’instant, Companion en est aux essais cliniques qui, s’ils sont positifs, devraient déboucher sur une mise sur le marché en 2025. Car ce sont les multiples essais et la durée réglementaire des tests qui prennent le plus de temps. Pour Fabien Pagniez, le simple développement des algorithmes contrôlant aussi bien le moniteur ANI que Companion, « c’est six mois maximum ». Alors que les essais durent depuis plusieurs années, au cours desquels la société d’accélération du transfert de technologies (SATT) Nord a pris en charge la propriété intellectuelle et le prototype pour obtenir les brevets.

Ensuite, il faut attendre que le secteur soit en confiance pour intégrer l’appareil, qui coûte 10 000 euros : « Pour le moniteur ANI, il a fallu 8-10 ans. Le frein essentiel était celui du questionnement sur la fiabilité. La question que se posent les médecins, c’est ‘quel avantage clinique peut-on obtenir ?’ ». Après ces premières années, le moniteur de contrôle de la douleur a fait de MDoloris « un acteur de référence sur le plan mondial. On a environ 5 000 moniteurs dans 78 pays et 230 publications qui valident ses résultats. » C’est sur ce réseau déjà solide que Companion va s’appuyer pour poursuivre la lutte contre la douleur.

Jean Luc Eluard

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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