Grâce à un implant posé dans le dos, stimulant des nerfs moteurs qui commandent les muscles des jambes, les troubles de la marche de deux patients atteints de la maladie de Parkinson se sont nettement atténués. Explications d’Erwan Bézard, neurobiologiste à l’Institut des maladies neurodégénératives à Bordeaux, qui a contribué aux travaux

De cause inconnue (sauf antécédents familiaux ou forte exposition aux pesticides et solvants), la maladie de Parkinson touche 175 000 personnes en France, selon Santé publique France, et 25 000 nouvelles chaque année.

Cette maladie résulte de la dégénérescence des neurones qui produisent la dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le contrôle des mouvements, la cognition, la motivation et les affects. Et se caractérise par des tremblements, une akinésie (lenteur des gestes), une rigidité musculaire, des troubles cognitifs, du sommeil et, à un stade avancé, de la marche (freezing, quand les pieds restent cloués au sol), qui résistent souvent aux traitements actuels.

Troisième révolution thérapeutique

Il existe plusieurs traitements : celui de référence, la lévodopa, un précurseur de la dopamine, cible les régions du cerveau touchées par la perte des neurones producteurs de dopamine. Mais l’effet est transitoire (3 à 8 ans) ; la stimulation cérébrale profonde consiste, elle, à implanter dans le cerveau deux électrodes fines pour stimuler le noyau sous-thalamique, qui participe au contrôle du mouvement.

Fruit de 14 années de recherche, la neuroprothèse conçue par les équipes de Grégoire Courtine, neuroscientifique à l’EPFL et de Jocelyne Bloch, neurochirurgienne au CHUV, stimule la zone de la moelle épinière responsable de l’activation des muscles des jambes pendant la marche. Testée d’abord chez des primates non humains « parkinsoniens » par l’équipe d’Erwan Bézard, neuroscientifique à l’IMN (Université de Bordeaux), cette innovation, décrite dans Nature Medicine, a fluidifié la marche d’un premier patient bordelais et d’une autre, suisse.

Des capteurs aux pieds pour une marche alternée

En quoi le dispositif consiste-t-il ? Erwan Bézard explique : « On implante un damier de seize électrodes de stimulation sur la moelle épinière du patient au bas du dos, d’où partent les racines des nerfs moteurs qui commandent les muscles des jambes. Ces électrodes sont connectées à un générateur, situé dans l’abdomen, qui envoie des impulsions électriques aux électrodes, selon un algorithme. Celles-ci stimulent les nerfs moteurs qui activent tour à tour les muscles assurant les mouvements d’extension, flexion et propulsion nécessaires à la marche. Le déclenchement de l’algorithme est assuré par des capteurs, situés au niveau des tibias ou de chaussures connectées, enregistrant la position, la vitesse et la direction des jambes. »  

Moins de chutes et une marche fluide

Les résultats sont probants : « De 2 à 5 chutes par jour, le patient bordelais est passé à 1 à 2 par semaine, se réjouit Erwan Bézard. Il peut désormais quitter son déambulateur et marcher dans la rue d’un pas presque normal ». Les scientifiques travaillent maintenant à la mise au point d’une version commerciale pour généraliser l’accès à cette technologie et améliorer significativement la qualité de vie des 8,5 millions patients dans le monde.

En 2024, ils débuteront des essais cliniques sur 6 malades au centre suisse NeuroRestore, puis sur 20 autres à Bordeaux, Lausanne et New-York. La technologie pourrait être disponible d’ici 4 à 5 ans.

Florence Heimburger

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