Une cellule dans une capsule qui la protège

En cultivant des cellules indifférenciées, on peut potentiellement guérir des centaines de maladies. Treefrog a trouvé le moyen de mener cette culture. Et veut commencer à s’attaquer à la maladie de Parkinson

« Ça fait 30 ans que l’on se dit que l’on pourrait faire de la thérapie cellulaire », estime Maxime Feyeux. Mais ça tarde à venir pour des raisons logistiques : on ne sait pas fabriquer des cellules en quantité suffisante pour dépasser le stade expérimental. Parce que « il y a toujours eu un mépris pour l’intendance. Alors que le vrai défi, il est là : multiplier les cellules au lieu de travailler sur une ou deux pour comprendre comment ça marche. » Mais pour l’intendance, il faut être capable de passer de la biologie pure à son utilisation par la physique. Et c’est de la rencontre entre Maxime Feyeux, biologiste des cellules souches, et Kevin Alessandri, biophysicien, mais avec chacun une compréhension du domaine de l’autre, qu’est née la technique qui permet aujourd’hui à Treefrog d’envisager de produire à grande échelle les cellules qui serviront aux thérapies pour des milliers de patients.

Élevées comme dans le corps humain

Actuellement, les cellules sont fabriquées sur des supports plastiques non extensibles. Elles évoluent donc dans un environnement qui finit par les contraindre et la plupart meurent sans pouvoir être utilisées. Maxime Feyeux a rapidement compris que l’un des enjeux était de les laisser faire pour qu’elles se reproduisent. « Il y a deux éléments clé pour cela. Leur environnement doit être en 3D et relativement mou, comme le corps humain. Et elles doivent évoluer dans un univers de perfusion. » Comme dans le corps aussi, où elles sont constamment nourries indirectement, par capillarité.

Les cellules encapsulées sont des adultes : il ne s’agit pas de clonage pour lequel on élève des cellules jeunes

Basés alors à Genève, les deux hommes décident de rentrer en France en 2015 parce « c’est un très bon endroit où développer des technologies qui ont encore besoin de recherche fondamentale. » Épaulés par l’université de Bordeaux puis la la société d’accélération du transfert de technologies SATT Aquitaine Science Transfert à hauteur de 1,2 million d’euros pour les dépenses liées à la propriété intellectuelle et aux salaires nécessaires à la maturation, ils mettent au point l’encapsulation des cellules. En faisant circuler très rapidement trois lames d’eau superposées, ils créent ainsi un cylindre liquide et creux en son centre. Il suffit alors de le diviser dans l’air pour utiliser les propriétés physique du liquide qui forme alors des capsules enfermant aussi un polymère naturel, l’alginate, issue des algues. Ces micro-billes seront les « maisons » des cellules qui seront nourries et auront peu de contraintes physiques. Elles peuvent alors être cultivées en bio-réacteur.

Des cellules à spécialiser

Le bioréacteur dans lequel sont cultivées les cellules

Arrivées à maturité, on pourra les utiliser pour des thérapies cellulaires parce qu’elles sont pluripotentes. C’est à dire qu’elles n’ont pas encore de spécialisation et peuvent être adaptées à l’organe nécessaire. Elles deviennent, au choix, des cellules du foie, des cellules cardiaques pour réparer le cœur après un infarctus. Ou des neurones pour soigner la maladie de Parkinson.

C’est d’ailleurs vers cette maladie que Treefrog se dirige en priorité : « C’est une des maladies pour laquelle la thérapie cellulaire est la plus pertinente. Elle est provoquée par une cellule qui ne fait plus son travail dans un endroit précis du cerveau. » Il suffit donc de les remplacer par des cellules de culture, saines. Des essais pré-cliniques sont en cours et des essais cliniques prévus vers 2025. Remplacer les cellules mortes permettra alors de guérir un nombre considérable de maladies.

Jean Luc Eluard

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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