Plus de 8 automobilistes sur 10 déclarent avoir déjà eu peur du comportement d’un autre conducteur. Mais comment expliquer un tel niveau d’agressivité sur les routes ? On fait le point avec Jean Marc-Bailet, docteur en psychologie du conducteur

Vous connaissez la scène. Vous roulez tranquillement, et soudain une voiture se rabat sans prévenir juste devant votre véhicule. Comment réagiriez-vous ? « Quand on est au volant et qu’on ressent de la frustration, il existe toute une gamme de réactions qui peuvent aller des jurons ou des gestes obscènes, jusqu’à la violence physique dans les cas les plus extrêmes », détaille Jean-Marc Bailet, docteur en psychologie du conducteur et ancien officier supérieur de la Gendarmerie nationale.       

C’est un fait : prendre le volant peut littéralement changer notre personnalité. Selon un sondage réalisé par l’institut Ipsos en 2020, 1 Français sur 5 admet ne plus être vraiment la même personne lorsqu’il est au volant et s’estime plus nerveux, impulsif ou agressif que dans la vie quotidienne. Et 70 % des automobilistes français reconnaissent injurier les autres conducteurs. Pire encore, 34 % d’entre eux concèdent même qu’ils collent parfois délibérément le véhicule des conducteurs qui les énervent. 

Protégé dans sa voiture, le conducteur a un autre comportement

Mais comment expliquer un tel regain d’agressivité une fois le volant pris en main ? « Le conducteur est dans sa coquille, il se sent protégé de l’extérieur et va alors adopter un comportement qu’il ne se permettrait pas d’avoir dans les transports en commun par exemple », souligne Jean-Marc Bailet. Un phénomène dont certains automobilistes ont pleinement conscience : ils sont 17 % à déclarer « être dans leur bulle » lorsqu’ils sont au volant et faire moins attention aux autres, et pour 12 % d’entre eux, la route c’est carrément « chacun pour soi ».

« La conduite est aussi une grande source de stress. Il y a énormément de choses à gérer en même temps : regarder le tableau de bord, scruter la route, manipuler les pédales, ou encore faire attention aux panneaux. Notre cerveau ne peut analyser simultanément que 7 signaux différents dans son environnement, or dans certaines situations il en arrive plus d’une dizaine à la fois. Nous sommes alors incapables de tout traiter », analyse Jean-Marc Bailet.

Selon l’expert, l’énervement est une des conséquences de ce stress qui peut être généré par la difficulté de conduire dans de telles conditions : « le problème survient lorsque le conducteur ne parvient plus à gérer ses propres émotions. Si l’on nous fait une queue de poisson par exemple, cela peut monter très vite dans les tours ».

Biais de l’optimisme comparatif : l’autre conduit mal…

Et puis les automobilistes ne sont généralement pas exempts de mauvaise foi, souligne l’expert : « toutes les enquêtes le montrent, une forte majorité de conducteurs estiment que les autres conduisent bien plus mal qu’eux. Ils rejettent alors toute la responsabilité sur autrui en cas d’accident ». Ce biais cognitif est connu des psychologues sous le nom de « biais de l’optimisme comparatif » : le fait de penser que les autres sont de moins bons conducteurs nous valorise et nous rassure.

Mais cela peut nous amener à établir nos propres règles, en s’affranchissant de celles qui sont établies : « il est assez fréquent qu’au bout de quelques années les conducteurs imaginent leur propre code de la route, bien différent du code officiel. Et c’est généralement un comportement typiquement masculin », observe Jean-Marc Bailet.

Mais alors, comment gérer au mieux ces situations de stress au volant pour éviter de tomber dans l’agressivité ? « Si la situation devient tendue, il ne faut pas hésiter à faire quelques exercices de relaxation abdominale par exemple afin d’abaisser le niveau de stress », propose l’expert. Et si mieux conduire, c’était aussi mieux respirer ?   

Thomas Allard

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