Les grasses mat’, les repas familiaux, les balades… Le dimanche, c’est une évidence, est forcément le jour de repos. Cela n’a pourtant pas toujours été le cas. De l’Empire romain à aujourd’hui, l’histoire du dimanche n’a rien d’un long fleuve tranquille

Historiquement, l’absence de travail une journée dans la semaine se retrouve dans les textes religieux. « Tu observeras le jour du sabbat pour le sanctifier », indique l’un des dix commandements dans la Bible. Alors que la fête du sabbat battait son plein le samedi soir, on doit à l’empereur Constantin, en 321, d’instituer, pour la première fois, le dimanche comme un jour de repos. Les travaux agricoles sont interdits ce jour-là afin de célébrer le Christ. « Cela ne veut pas dire qu’avant cette période, la population n’avait pas de repos. Il n’y avait pas non plus cette intensité dans le rapport au travail qui est apparue surtout à partir du XIXe siècle. La décision en 321 a ainsi surtout une valeur symbolique religieuse, pour sanctifier le dimanche, plus qu’une valeur de jour de repos », indique Robert Beck, historien à l’Université de Tours et auteur d’un ouvrage sur Histoire du dimanche : de 1700 à nos jours (Paris, Ed.de l’Atelier, 1997). 

XVIe siècle : un dimanche entièrement dédiée à la religion

Peu à peu au cours du Moyen Âge, les conciles généralisent cette pratique dominicale, imposant l’obligation de se rendre à la messe et interdisant les activités ludiques. « Ainsi durant tout le Moyen Âge, il faut imaginer que les gens, qui vivaient à la campagne, parcouraient ce jour-là plusieurs kilomètres pour se rendre à l’église, assistaient le matin à la messe, aux vêpres l’après-midi, au catéchisme pour les jeunes, à des célébrations aussi le soir. La journée était entièrement dédiée à la religion », décrit l’historien. Le XVIe siècle, avec la réforme catholique et des préceptes encore plus strictes, signera l’apogée d’un dimanche sous le signe de la rigueur religieuse. 

Au XVIIIe siècle, le dimanche devient peu à peu un jour de fête

Il faut attendre le milieu du XVIIIe siècle pour assister à une désacralisation du dimanche. Alors que l’on comptait dans l’année une trentaine de fêtes chrétiennes, certains d’entre elles, furent supprimées, pour des raisons morales et limiter les débordements. Par un effet de report, « le dimanche devient peu à peu un jour de fête. Après la messe, on danse, on regarde des spectacles de saltimbanques, on boit du cidre…. On va moins aux vêpres, les plus pauvres sont autorisés aussi à travailler, ce qui participe de la désacralisation du dimanche », explique Robert Beck. Cet amenuisement du poids de l’église s’illustrera particulièrement lors la Révolution française. Le calendrier républicain est introduit, soit une semaine de 10 jours, avec en fin de période, le Décadi, qui est chômé et correspond au dimanche. « Ce sera l’un des grands échecs de la Révolution car la population reste attachée à l’ancien dimanche qui était ponctué d’une messe et d’une dimension festive. Or, lors du décadi, rien n’est proposé comme sociabilité et ce jour de repos se traduit par un ennui immense », commente Robert Beck.

1860 : tout le monde travaille sauf les fonctionnaires 

Après l’échec des révolutionnaires, Napoléon réintroduit le dimanche en 1801, mais comme jour de repos uniquement pour les fonctionnaires. Un certain libéralisme prévaut laissant à chacun la possibilité ou non de travailler. Dans les faits, avec l’industrialisation qui se développe progressivement, l’arrivée de grands magasins ou de métiers de service, une grande partie de la population, également celles des campagnes, travaillent le dimanche, notamment sur la période de 1830 à 1880. C’est la fin des dimanches festifs. 1860 peut ainsi être considéré comme la période noire du dimanche. 

La nécessité d’un jour de repos dans une France industrialisée

En 1872, après la Commune de Paris, la nécessité d’un repos hebdomadaire s’impose. Les ouvriers travaillant de 70 à 72h par semaine sont épuisés, l’alcoolisme fait de plus en plus de ravages, le taux de natalité est en berne… Pour toutes ces raisons et aussi parce que des études menées aux États-Unis démontrent qu’un jour de repos rend les ouvriers ensuite plus productifs, le dimanche reprend du galon sous la IIIe République.

Il est désormais entièrement laïque et vidé de toute dimension religieuse. Une partie de la population pourtant est laissée-pour-compte : les employés de commerce, travaillant souvent 7 jours sur 7. Ces derniers se rassemblent, descendent dans la rue, protestent. Leur mouvement aboutit à la fameuse loi du 13 juillet 1906, toujours en vigueur aujourd’hui. Ce texte accorde à tous les salariés un repos de 24h après 6 jours de travail par semaine. 

XXe siècle : un dimanche teinté de libéralisme

Cette loi met cependant du temps à s’appliquer, notamment pour les classes les plus défavorisées. « En 1936, le Front populaire va introduire le week-end, mais pour autant, après la Seconde Guerre mondiale, durant les Trente glorieuses, le besoin en main d’œuvre est tel que beaucoup travaillent le samedi et ce jusqu’à l’arrivée des périodes d’immigration en France. Dès lors, le repos va courir sur 2 jours, le samedi et le dimanche », relève Robert Beck, qui pointe ensuite un retour du libéralisme à la fin des années 90 et au milieu des années 2000. Cela se traduira par un nombre croissant de magasins ouverts le dimanche.

« Pour autant celui-ci continue de garder son caractère de jour de repos et de famille, des habitudes de promenade persistent, le tout teinté d’un zeste d’ennui. Avec cependant aujourd’hui des frontières un peu brouillées. Et ce par l’arrivée des nouvelles technologies et le télétravail qui s’invite parfois dans les foyers le dimanche. Et si le samedi soir reste un moment de sociabilité, on est loin de la dimension festive qui pouvait prévaloir les dimanches durant le XVIIIe siècle », conclut l’historien.

Marianne Peyri

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