Nous sommes quotidiennement nourris par une grande quantité d’actualités, parfois angoissantes, qui affluent sur nos téléphones et nos écrans de télévision. Résultat : nous n’arrivons plus à digérer correctement ces informations, et plus d’un Français sur deux souffre de fatigue informationnelle. Avec quelles conséquences ? On fait le point avec Laurence Corroy, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine

Crise de la Covid-19, guerre en Ukraine, inflation… un flot d’informations bien souvent angoissantes défile sans arrêt sur nos écrans de téléphone, sur nos postes de télévision ou à la radio.         

Dans ce contexte, de nombreuses personnes indiquent ressentir du stress et de la fatigue face à cette marée d’informations. Selon une étude menée en septembre 2022 par la fondation Jean Jaurès, 53 % des français disent souffrir de fatigue informationnelle. Et 38% en souffrent même « beaucoup ».

Sujets anxiogènes

« Depuis 2020, nous sommes confrontés à la multiplication de sujets anxiogènes qui se déploient sur le temps long. La crise de la Covid-19 a monopolisé l’attention médiatique pendant longtemps, puis il y a ensuite eu la guerre en Ukraine qui est toujours en cours, et à laquelle vient s’ajouter les récents évènements au Proche-Orient. Ces sujets anxiogènes qui durent dans le temps peuvent concourir à une réelle fatigue informationnelle », déplore Laurence Corroy, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine.

Il n’est néanmoins pas simple de se déconnecter de cet univers informationnel. « Les médias servent à la fois à nous informer, à communiquer et à nous distraire. Nous les employons en permanence, et nous sommes constamment sollicités, voire appelés à réagir sur les réseaux sociaux ou dans les sections permettant de laisser des commentaires. Tout cela est pensé pour mobiliser au maximum nos émotions et notre attention. Et la généralisation des chaines d’information en continu a largement amplifié l’offre informationnelle », indique la chercheuse.

Quand la fatigue nous rend insensible

Mais cet enjeu de fatigue informationnelle n’est pas à prendre à la légère, souligne Laurence Corroy : « à terme, cette sollicitation exacerbée peut brouiller les sources et nous rendre plus sensibles aux fake news par exemple. Et l’autre risque est qu’en s’habituant à un spectacle du monde particulièrement dur, et parfois même horrible, cela finisse par annihiler notre empathie. C’est particulièrement préoccupant car cette capacité à se mettre à la place des autres est l’un des ciments de nos liens sociaux. Si l’empathie s’effrite, cela peut mener à l’indifférence ce qui fragilise alors notre société ».

Alors comment faire pour ne pas se noyer dans ce raz de marée informationnel ? « La première chose à faire est de trouver un juste équilibre entre le besoin d’information et le trop plein, qui va générer de l’angoisse. Cela peut commencer par s’interdire de regarder son téléphone juste avant de dormir par exemple, afin d’éviter de tomber sur des informations qui peuvent nous stresser et perturber notre sommeil », indique Laurence Corroy.

Ne pas tout regarder

La peur de manquer une information importante, un phénomène que les anglophones nomment « fear of missing out (FOMO)», doit aussi être surmontée précise la chercheuse : « il ne faut absolument pas se mettre en tête le fait qu’il faudrait tout savoir, tout connaitre et tout voir ! Il existe par exemple des images choquantes, que nous ne sommes pas obligés de regarder pour comprendre l’information. Tout le monde n’a pas le même rapport à l’image et cette dernière peut être un obstacle à la pensée quand elle est trop violente pour nous-même ».

Car face à ce trop-plein d’informations angoissantes, le risque de finir par ne plus s’informer du tout est bien réel : selon la fondation Jean Jaurès, 77 % des Français déclarent qu’il leur arrive parfois de se limiter volontairement, voire de cesser de s’informer. Pour 28 % d’entre eux, cet évitement de l’information est même un réflexe régulier. Pour ces personnes, déconnecter devient alors une nécessité.       

Thomas Allard

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