Dès le mois de février, des centaines de millions d’oiseaux migrateurs quittent leurs zones d’hivernage et entament un long vol vers leurs zones de reproduction, parfois situées à des milliers de kilomètres. Avant de repartir dans l’autre sens, à la fin de l’été. Mais leurs routes sont loin d’être rectilignes et identiques

Les oiseaux migrateurs empruntent-ils la même route migratoire à l’aller et au retour ? On l’a longtemps cru, mais le suivi des espèces migratrices par balise satellitaire ou GSM a mis à mal nos certitudes. « Ces technologies ont montré la grande diversité des routes migratoires », relate l’ingénieur-chercheur Frédéric Archaux dans son ouvrage « 50 idées fausses sur les oiseaux », paru aux éditions Quae. « Très souvent, les oiseaux n’empruntent pas le même trajet en automne et au printemps, avec des écarts plus ou moins forts selon les espèces et selon les individus d’une même espèce ».

Les planeurs, à la recherche des courants thermiques

Prenons les grues cendrées, vues et entendues par nombre de néo-aquitains entre septembre et décembre 2023, voire en janvier 2024. « Chez ces espèces planeuses, les voies de migration semblent surtout dictées par les conditions météorologiques : les oiseaux adaptent leur route en fonction des courants thermiques qui leur sont favorables ». Issues des populations de l’Ouest, les grues qui nous ont survolé en fin d’automne et en début d’hiver faisaient route vers l’Espagne et le nord de l’Afrique.

L’utilisation des courants thermiques ascendants leur permet d’économiser de l’énergie. Encore faut-il les trouver ! En cas de conditions défavorables, les trajets migratoires peuvent être modifiés, ou reportés entraînant des haltes non prévues. Il peut même arriver, exceptionnellement, qu’elles soient contraintes de repartir en arrière : c’est la rétromigration.

Les cigognes blanches changent d’une année à l’autre leurs trajectoires migratoires en raison de la disponibilité des ressources alimentaires, quitte à interrompre précocement leur migration. PHOTO : © Stéphane Noell / LPO

Les passereaux, à la recherche de carburant

Chez les passereaux, les différences de trajectoires observées sont liées à la nécessité de se ravitailler en « carburant ». « Ce changement de route serait dicté par le fait que les sites riches en nourriture, où faire les réserves énergétiques nécessaires à la migration ne sont pas localisées aux mêmes endroits quand ils arrivent et lorsqu’ils repartent », écrit Frédéric Archaux.

Un grand nombre de passereaux transsahariens quittent la France à l’automne en longeant la façade atlantique, et remontent au printemps en suivant un trajet plus direct, majoritairement depuis la façade méditerranéenne. Les hirondelles des rivages britanniques quittent ainsi leurs îles en passant par la façade océanique française, mais les regagnent au printemps par l’Europe centrale. Et ce, sans compter le comportement exploratoire de certains individus au sein de chaque espèce.

Des migrations en boucle pour de nombreuses espèces

Un grand nombre d’espèces migratrices n’empruntent donc pas nécessairement le même axe à l’aller et au retour. Les ornithologues parlent de migrations en boucle. Avec là encore des variantes : « Certaines espèces font une boucle dans le sens des aiguilles d’une montre (comme le coucou), d’autres dans l’autre sens ». En Europe, les cas les plus fréquents de migration en boucle s’organisent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Il existe toutefois quelques espèces redescendant plus à l’est à l’automne et remontant plus à l’ouest au printemps. C’est notamment le cas du loriot d’Europe. Chez les oiseaux, le chemin le plus intéressant à prendre n’est pas toujours la ligne droite.

Quel que soit le trajet choisi, la route des oiseaux migrateurs est semée d’embûches, comme le rappelle le premier Rapport sur l’état des espèces migratrices dans le monde, rendu public en février 2024. Traversant des milliers de kilomètres, ces espèces dépendent d’un large éventail d’habitats pour se nourrir, se reproduire et se reposer. La perte, la dégradation et la fragmentation de ces habitats principalement dues a l’expansion agricole et à la surexploitation représentent les principales menaces qui pèsent sur eux.

Alexandrine Civard-Racinais

Deux temps forts dans la vie d’un migrateur

– La migration prénuptiale (de février à juin) : les oiseaux rejoignent leurs aires de nidification ;

– La migration post-nuptiale (d’août à novembre) : les oiseaux repartent vers leurs quartiers d’hivernage.

A lire :

50 idées fausses sur les oiseaux, Quae, 2023.

Newsletter Curieux !
Recevez chaque semaine la newsletter qui démêle le vrai du faux et aiguise votre curiosité !