Développée par la société locale Arinsight, Phyto'Alerte est le fruit de plusieurs années de discussions

C’est un début d’apaisement dans la querelle grandissante entre riverains et agriculteurs. Dans le Limousin, les pomiculteurs ont désormais une application qui permet de prévenir les habitants lorsqu’ils vont épandre des produits chimiques. C’est volontaire et gratuit

C’est un peu le bon voisinage adapté à une époque où l’on ne connaît pas tous ses voisins. Les pomiculteurs de l’AOP Pommes du Limousin peuvent alors prévenir leurs voisins de parcelles lorsqu’ils vont épandre des produits chimiques. Il leur suffit de télécharger l’appli, Phyto’Alerte, de cocher l’onglet « arboriculteur » et de cliquer lorsqu’ils vont s’y mettre.

Ils alertent ainsi tous les voisins de leurs parcelles s’ils ont eux aussi téléchargé l’appli et coché « riverain ». Il y a aussi l’option randonneur pour ceux qui ne veulent pas marcher pollués. « Il faudrait arriver à prévenir 12 heures avant un traitement. Mais il y a encore beaucoup de producteurs qui le font en démarrant le tracteur. Comme ils mettent une demi-journée pour une parcelle, ça peut suffire. » Agnès Donzeau, la présidente du syndicat de l’AOC reconnaît qu’il y a encore du travail mais « il faut que l’habitude prenne. C’est une première en France. »

Cinq années de discussion

Du côté des riverains, on confirme : « Elle est mise en place depuis moins de deux mois et un tiers des arboriculteurs l’ont déjà installé. On espère qu’il y en aura une majorité à la fin de la saison. Il faut encore la faire connaître. » Mais David Marmonier, président de l’association Allassac ONGF, en pointe sur le sujet, reste confiant. Le confinement, décrété au moment du lancement de l’application, n’a pas aidé son démarrage. Et il a fallu cinq années de discussions, la signature d’une charte en 2017 pour parvenir à mettre en place cette solution.

Car si cette tâche supplémentaire est encore optionnelle et sur la base du volontariat, « on sent que les recommandations risquent devenir des obligations », reconnaît Agnès Donzeau. Autant donc s’habituer à cette alerte où, si on coche une parcelle à l’avance, un petit drapeau y apparaît signalant le futur traitement. D’abord en vert, puis en orange et en rouge au fur et à mesure qu’approche l’heure d’épandage. Puis il repasse en orange et en vert avant de disparaître dans les heures qui suivent, lorsque l’essentiel du nuage est passé.

Et pour rester dans le local, c’est Arinsight, une société des environs de Brive, qui a développé cette application. Plutôt spécialisée dans la réalité virtuelle ou la réalité augmentée à destination du tourisme, elle a utilisé ses compétences en matière de cartographie virtuelle pour les adapter à Phyto’Alerte.

Éviter la dispersion des produits

Si l’application est le volet le plus visible de l’extérieur, le syndicat a pris d’autres mesures pour contrôler au maximum la dispersion des produits qui est l’un des plus gros problèmes. Notamment la mise en place de 30 manches à air sur le territoire de l’AOP. Ils signalent lorsque le vent dépasse les 19 km/h, vitesse maximale au-delà de laquelle on ne peut plus pulvériser. De même, on a replanté une trentaine de kilomètres de haies pour bloquer la dérive des produits.

Agnès Donzeau sait que cette première est scrutée : « On est la seule pomme AOP et on est planté à 90 % en golden. On a une mauvaise image et on est les plus visibles. » Une mauvaise image, comme les viticulteurs du bordelais, qui sont les plus gros consommateurs de produits ,et dont certaines appellations ont déjà pris contact avec les pomiculteurs pour suivre leur exemple. Un bon début même si pour David Marmonier, ça ne résout pas tout, « et notamment le nombre de traitements qu’il faudrait diminuer. »

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