Le premier cas de contamination d’un chat par le virus de l’influenza aviaire annonce-t-il d’autres victimes à venir chez les félins et plus largement chez les mammifères ? Nous avons posé la question à François Moutou, vétérinaire et épidémiologiste, membre du conseil scientifique auprès de la LPO

« Il faut être très clair. Le virus influenza aviaire hautement pathogène H5N1 est un virus qui touche les oiseaux, avec des passages très ponctuels vers des mammifères. Depuis 2021, des cas d’infections ont été décrits en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. Tous ces cas concernent des carnivores : renard roux, lynx boréal, loutre d’Europe, putois d’Europe, martre ou encore furet. Les mustélidés, famille à laquelle appartiennent visons, loutres et putois (le furet étant la forme domestique du putois) étant particulièrement sensibles à ce virus.

Chat contaminé : une première en France, pas dans le monde

Les félins y sont aussi sensibles, et ce fait est connu depuis longtemps. En 2006, la Thaïlande et l’Allemagne ont déclaré deux cas de contaminations de chats domestiques par le H5N1, ce n’est donc pas nouveau. En revanche, c’est la première fois que cela se produit en France avec cette nouvelle souche. 

Ici, comme ailleurs, il s’agit d’un cas isolé. D’un chat peut-être plus réceptif qu’un autre, en raison d’une plus grande sensibilité génétique ou d’un problème immunitaire. A ce stade, nous ne disposons d’aucun signe suggérant que le virus est en train de se « mammifériser », de devenir capable de se transmettre d’un mammifère à un autre. Ce risque existe, mais pour l’instant H5N1 reste un virus d’oiseaux. Et là, c’est l’hécatombe !

Les oiseaux, premières victimes du virus de l’influenza aviaire

Car ce qui est nouveau, ce n’est pas la contamination isolée d’un chat, c’est la virulence de l’épizootie en cours depuis l’automne 2021 ! En l’espace de trois mois, l’unique colonie française de fous de Bassan dans la réserve des Sept-Iles, a été décimée. Sans que l’on sache encore comment les oiseaux ont récupéré le virus. Je n’ai jamais vu ça au cours de ma vie professionnelle !

Les oiseaux d’élevage paient aussi un lourd tribu (voir chiffres ci-dessous). Mais là, on sait comment le virus circule. L’existence de grands élevages, et une concentration d’élevages au même endroit représente un boulevard ! Aux États-Unis, dans l’État de Washington, un foyer s’est déclaré dans un élevage d’un million de poulets ! Qu’il a fallu abattre… Impossible évidemment de les tuer tous en même temps. Or, les poulets encore vivants continuent à libérer des virus dans leur environnement. C’est vraiment une catastrophe. Il faut vraiment réfléchir à notre façon d’élever les volailles, et aller vers d’autres modèles. Faute de quoi ce virus continuera à se multiplier, et à circuler. Or, plus le virus circule, plus il y a de possibilités de mutations, d’adaptations et de franchissements de la barrière des espèces. Des oiseaux vers les mammifères sauvages et domestiques. Des animaux de compagnie aux êtres humains. On n’en est pas là, mais il faut réagir tant qu’il est temps. »

Propos recueillis
par Alexandrine Civard-Racinais

Contamination d’un chat en France. Les faits :

  • Fin décembre 2022 :  Néo, un chat européen de 6 ans, vivant dans les Deux-Sèvres à proximité d’un élevage de canes pondeuses touché par la grippe aviaire, est testé positif au virus H5N1.
  • 23 janvier 2023 : L’Anses, agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, publie un communiqué confirmant que l’élevage voisin est à l’origine de la contamination. Elle souligne aussi que « la contamination d’animaux de compagnie comme le chat pourrait faciliter le passage du virus à l’être humain« , et recommande de les tenir « éloignés des élevages infectés et des opérations d’euthanasie des foyers de canards contaminés.« 

Les chiffres :

  • 300, c’est le nombre de foyers infectieux déclarés dans les élevages français (au 3 février 2023)
  • 21 millions de volailles ont déjà été abattus en France depuis fin 2021.

A lire :

•  Des épidémies, des animaux et des hommes, par François Moutou, Éditions Le Pommier, 2020.

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