Dans la lutte contre les émissions de carbone, les éléphants de forêt d’Afrique et les baleines à fanons représentent de précieux alliés. A sauvegarder de toute urgence.

1- Les éléphants de forêt sèment des graines…

Affichant deux à cinq tonnes sur la balance, l’éléphant de forêts d’Afrique fait partie des méga-herbivores. Il joue aussi un rôle de premier plan dans le stockage du carbone. Une étude, publiée en janvier 2023 dans la revue PNAS, révèle que ces éléphants forestiers se nourrissent de feuilles provenant essentiellement d’arbres à faible densité de bois, plus appétissantes et plus digestes. 

A certaines périodes, ces pachydermes consomment aussi de grandes quantités de fruits, issus cette fois d’arbres à haute densité de bois. Les graines non digérées passent dans leurs excréments, riches en nutriments, et contribuent à la régénération de la forêt. Par leurs préférences alimentaires, les éléphants de forêt d’Afrique limitent donc le nombre d’arbres qui stockent moins de carbone et favorisent les arbres qui en stockent plus.

2- 15 à 20% du poids d’une baleine est constitué de carbone

Les baleines à fanons, comme la baleine à bosse qui peut peser jusqu’à 40 tonnes et vivre jusqu’à 70 ans voire plus, stockent pour leur part de grandes quantités de dioxyde de carbone atmosphérique (CO2) dans leurs tissus. On estime qu’entre 15 et 25 % du poids d’une baleine est constitué de carbone.

A la mort de l’une de ces géantes, son corps sombre. Près de la moitié de sa masse atteint les abysses. Les parties non dégradées par les organismes présents se retrouvent ensuite piégées dans les sédiments marins, qui représentent de véritables puits de carbone. Autant de CO2 qui ne repartira pas dans l’atmosphère, contrairement à ce qu’il se passe lorsqu’une baleine est pêchée.

Une baleine séquestre 33 tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de 1500 arbres.

Source : Finance & Development (revue du FMI), décembre 2019

3- La lutte contre le CO2 passe par la protection de la mégafaune

Une étude inédite, publiée dans la revue Proceedings B en novembre 2022, a estimé la dynamique de séquestration du carbone au fond de l’océan via les carcasses de baleines* sur la période 1890-2100. Et elle a mis en évidence l’impact négatif de la chasse baleinière, couplé aux changements climatiques, sur cette pompe à carbone naturelle. Selon Anaëlle Durfort, doctorante à l’Université de Montpellier (laboratoire Marbec), « En 2022, la surexploitation des baleines a empêché la séquestration de 26,8 mégatonnes de carbone. Ce déficit de séquestration pourrait s’élever à 45,2 méga tonnes d’ici 2100 ».

Le braconnage des éléphants de forêt en Afrique centrale et de l’ouest est tout aussi problématique. Car leur disparition « pourrait entraîner une baisse de 6 à 9 % des stocks de carbone atmosphériques en raison de l’échec de la régénération des arbres dispersés par les éléphants et d’une augmentation de l’abondance des plantes à faible densité de bois et à croissance rapide », soulignent les auteurs de l’étude. Qui insistent sur le fait qu’ « une conservation réussie des éléphants contribuera à l’atténuation du climat à l’échelle mondiale ».

Aussi la lutte contre les émissions de carbone passe-t-elle aussi par la protection de la mégafaune terrestre et marine. La protection des éléphants des forêts d’Afrique (en danger critique d’extinction) et le rétablissement des populations de baleines décimées par des décennies de chasse commerciale est un enjeu crucial pour eux comme pour nous. Qu’on se le dise : BIG IS BEAUTIFUL !

*Cinq espèces ont été intégrées à l’étude : baleine bleue, rorqual commun, baleine franche australe, baleine à bosse et la baleine de Minke.

Alexandrine Civard-Racinais

A Savoir :

La densité de bois est la quantité de carbone contenue dans un mètre cube de bois. Les arbres à forte densité de bois peuvent stocker deux à trois fois plus de carbone que les arbres à faible densité de bois.

La séquestration de carbone, ou piégeage du carbone, est le stockage à long terme du dioxyde de carbone hors de l’atmosphère.

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