La goélette Tara, qui a fait escale à Bordeaux en novembre 2019, remonte l’origine de la pollution plastique de nos fleuves européens. Pour la Garonne, c’est le laboratoire EPOC de Pessac qui a pris le relai à terre. Ses chercheurs regardent à la loupe les échantillons récoltés et évaluent leur toxicité sur l’écosystème fluvial

Parmi les 150 permanents, le laboratoire EPOC (1) compte 7 experts « ès plastique » dans l’équipe Écotoxicologie Aquatique. Jérôme Cachot, Pr d’université et membre de la fine équipe, a travaillé sur les macroplastiques pendant sa thèse à l’Ifremer. « Nous explorions un canyon sous-marin au large de Nice. À plus de 1 000 m de profondeur, nous avons découvert une véritable montagne de bouteilles plastiques ! ». Sensibilisé à cet enjeu environnemental majeur, il embarque avec lui EPOC en 2015. Poussons la porte du laboratoire : les chercheurs nous racontent leur étude dans le cadre de la mission Tara plastique.

Une pollution omniprésente

Les experts bordelais ont récupéré le fruit de la pêche Tara récolté entre terre et mer. Aidé par le Dr Sophie Lecomte du laboratoire CBMN, ils procèdent à leur analyse. Au menu : description et identification de leur composition chimique par spectroscopie IR (2). Les premiers résultats du projet ont montré que 100% des prélèvements d’eau récoltés dans les 9 fleuves (3) contiennent des microplastiques. Mauvaise nouvelle : la pollution est omniprésente et les plastiques commencent à se fragmenter dans les fleuves.

Tout plastique plongé dans l’eau… est doublement toxique !

Leur mission ? Analyser la toxicité du polyéthylène (PE), le polymère le plus utilisé dans la fabrication des plastiques. Christelle Clérandeau, ingénieure au laboratoire, est en charge des tests sur les granulés de PE immergés pendant 1 mois dans l’estuaire de la gironde. Attention une toxicité peut en cacher une autre ! Plongés dans l’eau, non seulement les plastiques relarguent leurs additifs (bisphénols A, phtalates, …) mais ils adsorbent à leur surface les polluants organiques (hydrocarbures, Polychlorobiphényles, pesticides…) présents dans le fleuve.

Pour évaluer cette double-toxicité, Christelle Clérandeau commence par extraire les polluants et les additifs du plastique. Puis la toxicité de cet extrait est évalué avec le test Microtox® sur la bactérie marine, Vibrio fischeri.  Une baisse plus ou moins importante de sa bioluminescence, indique le niveau de toxicité de l’échantillon.

Dans un deuxième temps, la toxicité de ces extraits sera analysée sur des embryons et des larves d’huitre. « L’analyse de la croissance, du comportement natatoire et de la reproduction de ces bivalves nous donne leur spectre de toxicité », révèle Christelle Clérandeau.

Dans un troisième temps, leur mode d’action sera disséqué en allant regarder les effets sur l’expression des gènes chez nos huîtres. Alors, toxiques ? Réponse dans plusieurs mois.

 

(1) EPOC : Environnements et Paléoenvironnements océaniques et continentaux

(2) Spectroscopie IR : Cette analyse consiste à comparer le spectre d’absorption dans l’infrarouge de l’échantillon analysé par rapport à une banque de spectres afin d’identifier la nature du plastique.

(3) Les 9 fleuves échantillonnés pendant la mission Tara plastique : Tamise, l’Elbe, le Rhin, la Seine, l’Èbre, le Rhône, le Tibre, la Garonne et la Loire

Sophie Nicaud

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