Field of hemp (Cannabis sativa) for industrial application. Agriculture in the Netherlands.

Particulièrement polluante, l’industrie textile cherche des solutions. En Charente-Maritime, un nouveau procédé d’extraction de la cellulose du chanvre, mis au point par RBX créations, devrait déboucher sur une production à grande échelle qui permettrait de réduire les impacts sur notre environnement

Le Cannabis Sativa, plus communément appelé chanvre, a décidément le vent en poupe. Son utilisation remonte pourtant à des siècles. Dans notre région, on lui doit ne serait-ce que les linéaires de la Corderie royale de Rochefort. Dans le domaine du textile, l’exploitation du chanvre est tout aussi ancestrale. Elle perdure d’ailleurs dans certains pays tels le Vietnam, « mais elle reste souvent artisanale et ne représente qu’une goutte d’eau dans la fabrication textile mondiale, basée à 62% sur les matières synthétiques dérivées du pétrole et un quart du coton, les deux utilisant des process très impactant sur les ressources en eau (pollution micro-plastique, forte consommation d’eau etc.), ou encore la biodiversité… » (1) », liste Anne Reboux, qui a cofondé la société RBX Créations en 2016.

Un faible besoin en eau, une croissance rapide et un fort pouvoir de captation du carbone

Anne et Charles Reboux, co-fondateurs de RBX Créations.

Anne est associée à son frère Charles Reboux, podologue et formé au design de chaussures. Après avoir visité plusieurs entreprises textiles de par le monde et pris conscience de leurs dégâts environnementaux, il a réalisé des premiers prototypes de chaussures basés notamment sur le recyclage de pneus.

Anne et Charles Reboux ont jeté leur dévolu sur Neuillac dans la Haute-Saintonge, région dont ils sont originaires et ont lancé la marque Gorfoo, soit des vêtements confortables en liège, viscose de bambou et chanvre artisanal…

« Nous avons dès lors découvert les avantages offerts par le chanvre : outre son faible besoin en eau, cette plante pousse vite, a un fort pouvoir de captation du carbone et participe de la biodiversité en favorisant la rotation des cultures », décrit Anne Reboux (2). Peu sensible aux maladies et insectes, elle ne nécessiterait pas non plus de fongicides ni d’insecticides.

Enfin, autre argument de poids : la ressource est là ; la France se plaçant comme le premier producteur de chanvre en Europe. « Ses débouchés sont aujourd’hui dans l’alimentation avec ses graines et dans des éco-matériaux. La production de vêtements à base de chanvre est en revanche quasi-inexistante alors que sa culture répond à de multiples enjeux environnementaux. »

En quête d’un procédé de biochimie innovant

Convaincue que la production textile du futur passera par cette plante aux nombreux atouts, RBX Créations s’est dès lors lancée dans un vaste projet de recherche pour mettre au point un nouveau process et répondre à plusieurs défis : produire en grande quantité une large gamme de produits, tout en apportant plus de souplesse et confort à la matière ; les habits en chanvre artisanal étant souvent épais et réputés rêches.

Observation de tissu tricoté.

« Notre procédé de biochimie, désormais breveté, consiste ainsi en une extraction de la cellulose de la plante, afin de permettre sa transformation en une nouvelle fibre textile au format et propriétés techniques adaptables selon les cas d’application », décrit Anne Reboux. Elle souligne leur collaboration, entre autres, depuis un an, avec l’institut allemand de recherche sur les textiles et les fibres Denkendorf (DITF), qui développe des procédés innovants de filage de la cellulose (3).

Alors que des essais sont menés depuis 2018, l’entreprise, qui va entrer en phase « pilote » avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine, vient de plus d’être retenue au sein du projet européen Galactica pour continuer l’optimisation de leur procédé.

Des fibres textiles adaptées aux outils de filature existants

« Un intérêt fort de ce procédé est d’obtenir des fibres textiles adaptées aux outils de filature existants et les plus répandus, pour faciliter leur utilisation à grande échelle. Notre recherche vise aussi à améliorer la finesse et la ténacité des fibres pour élargir le champ d’application dans l‘habillement, le sportswear, les chaussures… et ce, afin que le chanvre devienne une vraie alternative aux matériaux standard », ajoute la co-fondatrice de RBX Créations, qui met également en avant leur partenariat avec Chanvre Mellois, groupement de producteurs de Chanvre des Deux-Sèvres. Un autre atout de leur projet serait en effet de produire des matériaux textiles tout en valorisant les graines du chanvre, riches en omégas, vitamines et protéines, pour des débouchés agricoles.

(1) De fait, on lui doit 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, soit l’équivalent du secteur aérien ou des émissions annuelles de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

(2) Selon l’ADEME, soutien et partenaire du projet de recherche mené par RBX Créations, par rapport à la fibre de coton, la fibre issue du chanvre réduirait les impacts de 99% sur la consommation d‘eau, de 90% sur l’écotoxicité aquatiques de l’eau douce, de 80% sur l’eutrophisation aquatique, de 30 à 35% sur le changement climatique, de 25 à 65 % sur la consommation de ressources fossiles

(3) Le projet commun de DITF et de la société française RBX Créations a reçu le “Natural Fibrenamics Award » 2021 lors de la 5ème Conférence Internationale sur les Fibres Naturelles 2021.

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